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dimanche 25 novembre 2012

la crise de l’UMP vu par Raoul Marc Jennar


2012
Faut-il se réjouir de la crise qui traverse le principal parti de droite?
La dérive droitière de l’UMP orchestrée par Nicolas Sarkozy dès qu’il en a pris la présidence en 2004 et confirmée par les thèmes de prédilection de la campagne de Jean-François Copé est telle qu’on peut se féliciter des difficultés d’un parti qui s’est à ce point éloigné des idéaux républicains. Trop de hauts responsables de ce parti ont véhiculé des thèmes qui rappellent tantôt la « révolution nationale » de Vichy, tantôt sont assimilables à ceux du Front National et qui- paradoxe pour des héritiers certes très lointains du gaullisme – ne se sentent pas gênés de s’entourer de transfuges de l’extrême-droite et d’anciens de l’OAS.
Mais sachant qu’une démocratie oppose nécessairement des visions contraires de la société et qu’un authentique débat démocratique est une confrontation d’idées et de projets et non le consensus mou de ceux qui voudraient nous faire croire qu’on est tous, riches et pauvres, exploiteurs et exploités, décideurs et exécutants, dans le même bateau, je me demande si on doit se réjouir de la démonstration qu’offre l’UMP de son incapacité, en interne, à débattre et à choisir un projet de société qui, tout en respectant les valeurs républicaines, soit porteur des conceptions qu’entend défendre la droite.
Comme hier le PS avait offert le spectacle pitoyable de ses divisions, je ne me réjouis pas du spectacle qu’offre aujourd’hui l’UMP. Et je trouve indécents les propos d’un Harlem Désir dont la nomination de style nord-coréen lui enlève tout titre à donner des leçons aux autres.
En fait, ces deux partis politiques sont frappés d’un même mal : ayant tous les deux adhéré inconditionnellement à une économie de marché débridée, ayant donc tous les deux choisi de laisser à l’économique le primat sur le politique, ayant en conséquence tous les deux contribué au niveau européen et mondial (OMC, FMI) à la mondialisation néolibérale qu’ils nous présentent aujourd’hui comme une fatalité, ils éprouvent les plus grandes difficultés à formuler un projet qui les identifie clairement. Et qui serait de nature à les différencier nettement. Les historiens ne manqueront pas de noter qu’en 2012, aboutissement de la complicité de ces deux grands partis avec le monde des affaires et de la finance,  un changement de majorité politique ne s’est pas traduit par un changement de politique. L’adhésion d’un gouvernement prétendument de gauche à un traité idéologiquement très connoté négocié par son prédécesseur de droite en est l’illustration la plus spectaculaire.
Même si l’Histoire ne repasse pas les plats, la grande confusion des idées et des valeurs qui caractérise notre temps rappelle à bien des égards les années de l’entre-deux guerres du siècle passé.
Qu’il semble loin le temps de ma jeunesse où, malgré la guerre froide, nous étions portés par les valeurs des Lumières, par les idées de 1789, de 1793, de 1871 et l’espérance née de leur transcription dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dans le Pacte international sur les droits civils et politiques, dans le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels ! Un temps où les écrits de Camus, de Malraux, de Sartre, de St-Exupéry et de quelques autres suscitaient des débats sur le sens à donner à nos vies, à nos engagements. Il nous paraissait naturel alors que la marche du monde ne pouvait que progresser vers plus de liberté, plus de justice, plus d’égalité, certes au prix d’efforts et de luttes, parfois âpres et longues, mais toujours vers un destin meilleur.
Or, depuis une trentaine d’années, nous subissons l’inattendu : nous reculons. Pour la première fois depuis un peu plus de deux siècles, la promesse que peut faire une génération de laisser un monde meilleur à la suivante ne peut plus être tenue. C’est ce que Serge Halimi a très justement appelé « le grand bond en arrière » (Fayard) ou  Jacques Généreux « la grande régression » (Le Seuil).
Le mal qui ronge aujourd’hui l’UMP ne diffère en rien du mal qui sévit au PS : l’incapacité à formuler un projet de société et à se rassembler sur celui-ci pour le mettre en oeuvre. C’est manifeste à l’UMP avec la crise dont nous sommes les témoins, mais ce l’est tout autant au PS où on assiste depuis plus de six mois à la mise en oeuvre du contraire des engagements pris pour rassembler une majorité (sans qu’il s’agisse de ma part de confondre 60 promesses avec un projet de société).
Cette incapacité, il faut y réfléchir, est encouragée par un système électoral majoritaire qui force des contraires à se réunir pour rassembler une majorité. Et qui rend extrêmement difficile toute redistribution des cartes. Autrement dit, la crise des partis dits de gouvernement est le résultat d’un système politique qui empêche l’émergence d’alternatives réelles et qui, par le fait même, entretient un statu quo politique ardemment désiré par le monde des affaires et de la finance.
Ce qui pose la question des réformes institutionnelles indispensables. Mais ce sera pour une autre fois.
A bientôt.
rmj
PS : pour ceux qui sont curieux, la partie de mon texte d’hier consacrée à la visite d’Obama à Phnom Penh vient d’être traduite en langue khmère et diffusée sur le site internet le plus lu au Cambodge :
A défaut de comprendre, on appréciera la beauté des caractères.
Le blog de Raoul Marc Jennar :http://www.jennar.fr
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