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jeudi 29 novembre 2012

Tunisie: violents affrontements dans la ville de Siliana


Un article lu dans le MONDE du 30/11/2012

Tunisie: violents affrontements dans la ville de Siliana

La police a tiré au  fusil de chasse. Les tensions
s’accroissent entre Ennahda et le syndicat UGTT



Pierres contre chevrotine. Les blessés se comptent par dizaines à Siliana, une ville agricole située à 120 kilomètres
Du sud-ouest de Tunis, théâtre de violents affrontements depuis deux jours entre les habitants et la police,qui a ouvert le feu avec des fusils de chasse. Une troisième journée de grève générale devait être organisée, jeudi 29novembre,à l’appel de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la puissante centrale syndicale.
 Dans un communiqué,mercredi ,le gouvernement d’Hamadi Jebali, le premier ministre issu du parti islamiste Ennahda, a déclaré suivre la situation«avec préoccupation».
Le conflit s’est noué entre le gouverneur de la région nommé il y a plusieurs mois, Ahmed Ezzine Mahjoub, et une partie de la population, harassée par les difficultés quotidiennes et par une situation économique difficile. Il témoigne aussi d’une tension de plus en plus évidente entre l’UGTT, qui a joué un rôle central dans le soulèvement contre l’ancien régime de Zine El-Abidine Ben Ali, et les islamistes parvenus depuis au pouvoir.
«Ennahda impose des gouverneurs qui travaillent comme des militants, sous les ordres du parti», dénonce Sami Tahri, membre du bureau exécutif de l’UGTT.
Lundi, les premiers heurts ont commencé après une nouvelle altercation entre les autorités locales et une syndicaliste. Une étincelle de plus qui a enflammé Siliana, «privée de moyens», où le chômage concerne près d’un jeune sur deux. Les habitants réclament également la libération de quatorze personnes détenues depuis plus d’un an,pour des violences commises en avril 2011, et toujours en attente de jugement.
«Les gens ont patienté longtemps et ils se sont soulevés», résume Ahmed Chaffaï, secrétaire général de l’Union régionale du travail. L’intervention du gouverneur sur une chaîne de télévision nationale,
où il a laissé entendre que la contestation était organisée «avec des pierres importées», n’a pas contribué à apaiser
les esprits.
Face aux barrages enflammés dressés dans les rues et aux jets de pierres des manifestants, la police, qui a reçu le renfort de la garde nationale, a alors riposté avec des gaz lacrymogènes et des fusils de chasse utilisés… faute d’armes non létales! Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce type d’armes, est employé. Devant l’ambassade des Etats-Unis, attaquée à Tunis le 14septembre, Le Monde avait pu constater que le sol était jonché de chevrotine.

«Plus de “dégage!”»

Selon le syndicaliste Ahmed Chaffaï, le nombre de blessés à iliana s’élevait, mercredi soir, à 271, dont 17 transférés vers Tunis après avoir reçu des plombs en plein visage. Des photos ont circulé sur les réseaux sociaux .
Des journalistes ont été également touchés, dont le correspondant de France 24, David Thomson, blessé aux jambes. «L’hôpital de Siliana était débordé», témoigne-t-il. Les protestataires, qui réclament la démission immédiate du gouverneur, maintiennent la pression . «Quinze fois, j’ai appelé le ministère de l’intérieur pour dénoncer la situation, en vain. Devant ce manque de dialogue, je n’ai pas d’autre choix que de me mettre en grève de la faim», annonce Iyed
Dahmani, député du parti Al-Jomhouri (opposition). « Ça me rappelle Redeyef », poursuit-il, en citant le mouvement de protestation du bassin minier de 2008, précurseur du soulèvement , deux ans plus tard, contre l’ancien régime.
«Les habitants ont crié “dégage” au gouverneur, mais que ce soit bien clair, il n’y aura plus de “dégage”, ce gouverneur ne bougera pas, quitte à ce que je quitte le pouvoir avant lui », s’est agacé le premier ministre Hamadi Jebali, sur une
radio tunisienne. Le gouvernement tente d’éviter l’essor d’un mouvement commencé il y a plusieurs mois déjà. En octobre, à Sidi Bouzid, berceau de la révolution, le nouveau gouverneur avait dû être remplacé après des semaines
de tensions. 
Isabelle Mandraud

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