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samedi 30 mars 2013

Démocratie totalitaire


http://www.rezocitoyen.org

Démocratie totalitaire

par Patrick Hébert, secrétaire de l’UD CGT-FO 44
jeudi 28 mars 2013
Dans tous les pays de l’Union euro­péenne, la Troïka prétend imposer sa loi. Elle le fait avec la complicité active de tous les gouvernements qui, quelle que soit leur couleur politique, multi­plient les plans de rigueur.
Dernier pays touché, Chypre, où les mesures annoncées ont provoqué des manifestations d’une telle ampleur que le Parlement a dû voter contre le (pre­mier) plan concocté par la Troïka.
C’est pourquoi d’ailleurs un second plan vient d’être décidé, qui lui n’a pas besoin d’être présenté devant le Parlement... Sans doute n’est-il pas "pré­sentable".
Comme disait Bertolt Brecht : "Puisque le peuple vote contre le gouver­nement, il faut dissoudre le peuple."
S’il vivait encore, il pourrait ajouter : "Quand il n’est pas assez docile, il faut aussi dissoudre le Parlement".
Et pour plagier Michel Audiard : "Comme les cons, les dictateurs, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les recon­naît".
Dans tous les pays atteints par cette fureur assassine, la révolte gronde, et l’Union européenne fait l’objet d’un rejet massif, qui souvent prend une tournure anti-allemande, notamment dans les pays, qui, comme la Grèce, ont subi une occupation particulièrement impi­toyable pendant la deuxième guerre mondiale.
Certes le gouvernement allemand, compte tenu de son poids économique, a une responsabilité incontestable dans l’élaboration de cette politique. Mais ce procès est finalement injuste, car, en réalité, tous les gouvernements sont complices ; et le plus souvent ces plans d’austérité sont adoptés à l’unanimité des pays-membres.
A des degrés divers, dans tous ces pays la classe ouvrière, et plus largement la population rejettent ces mesures et cherchent à s’y opposer, mais elles se heurtent à une véritable dictature.
Dans ce contexte, à l’initiative de mili­tants syndicalistes espagnols, une confé­rence regroupant des délégations venues de treize pays s’est tenue à Tarragone les 16 et 17 mars. Cette réunion a permis de constater que, si les pays du Sud de l’Eu­rope sont les plus touchés, ceux du Nord ne sont pas pour autant épargnés. C’est d’ailleurs un militant venu du Danemark qui a expliqué qu’il n’est plus néces­saire, du moins pour l’instant, d’utiliser les chars pour imposer ces plans de rigueur, car avec l’Union européenne nous sommes confrontés à une « démo­cratie totalitaire ».
Nous faisons donc face à une situa­tion contradictoire. D’un côté une "soft dictature", qui, en dernière analyse, impose ses décisions. De l’autre la classe ouvrière qui, dans chacun des pays, cherche les voies de la résistance.
Dans une véritable démocratie, nous pourrions espérer un « changement » à l’oc­casion d’une alter­nance à la tête du pouvoir. Mais comme nous pouvons le constater en France, les majorités chan­gent mais l’austérité reste.
C’est ce que note le journaliste des Echos à propos du tout récent débat sur la motion de censure : "Jean-François Copé et Jean-Marc Ayrault ont bien échangé les attaques d’usage, mais ils se sont aussi livrés à une analyse assez proche de la situation écono­mique… leur vocabu­laire est identique. Et lorsqu’un mot est trop connoté, on cherche un synonyme… des propos courageux, au regard de la culture de la gauche."
Alors, plus que jamais, reste le rap­port de force.
Comme l’annonce le dernier rapport de l’OCDE, le gouvernement s’apprête à imposer un plan de rigueur drastique.
Dans certains pays, les directions des syndicats ont accepté de s’impliquer dans des pactes sociaux. Elles ont failli rapidement être débordées. En France, il y a bien la CFDT et son annexe l’UNSA pour jouer ce rôle, mais le gouverne­ment sait bien que cet appui n’est pas suffisant.
La CGT vient de tenir son congrès. Nous savons bien comment ses congrès sont « préparés » et les délégués triés.
Pourtant, à plusieurs reprises, les militants CGT ont manifesté leur volon­té d’en découdre. Ce fut le cas, en parti­culier, sur la question du projet de loi de transposition de l’ANI… Certes la nou­velle direction confédérale est parvenue, avec difficulté, à faire adopter à mains levées sa version de la résolution. Mais il est significatif qu’une partie du congrès se soit levée pour scander « retrait ! , retrait ! » , et qu’une partie non négli­geable des délégués aient finalement voté contre le texte, parce qu’il ne com­portait pas l’exigence du "retrait".
Dans cette situa­tion, le gouverne­ment et le patronat s’accrochent à la moindre bouée. C’est ainsi qu’ils ont cru devoir se féliciter de la signature par notre confédération de l’ac­cord AGIRC-ARRCO à propos des retraites complémentaires.
Dans un com­muniqué le Premier ministre « salue l’es­prit de responsabi­lité des partenaires sociaux. Il se félicite que les bases d’un accord aient pu être trouvées... » Puis il ajoute : « de son côté, le gouvernement poursuit la démarche qu’il a engagée sur les retraites de base"
Futé ! Non ?
Que le gouvernement tente ainsi de nous compromettre, de nous "mouiller", au moment où il s’apprête à prendre de nouvelles et importantes mesures de rigueur, est ridicule mais aussi, d’une certaine manière, l’expression de sa fai­blesse.
Certes, nous pouvons discuter entre nous (et nous ne nous en privons pas) de l’opportunité de signer l’accord AGIRC-ARRCO. Il en va d’ailleurs de même pour toute signature.
Certains parmi nous peuvent même considérer que cet accord n’est pas bon et qu’il n’aurait pas fallu le signer. Mais imaginer, une seule seconde, que cette signature pourrait nous conduire à accepter la politique de rigueur est une grave erreur, et c’est bien mal nous connaître.
Le gouvernement espère peut-être que nous allons rendre les armes, et que les grèves et les manifestations du 5 mars contre l’ANI resteront sans len­demain. Une fois encore, il se berce d’illusions. Dès le 9 avril, avec la CGT et tous ceux qui voudront bien s’y associer, nous allons poursuivre le combat. Nous appelons tous les salariés à se mobiliser massivement pour exiger le retrait du projet de loi de transposition de l’ANI ; et s’il est voté, nous continuerons à en exiger l’abrogation.
Nous sommes définitivement contre toute forme d’austérité. Partisans du progrès social, opposés à toutes ces conceptions moyen-âgeuses qui usent d’un vocabulaire moderniste pour prê­cher une sorte d’idéologie de la pauvre­té, jamais nous n’accepterons la liquida­tion de nos conquêtes sociales.
Le vent peut bien parfois nous être contraire, nous savons qu’à un moment ou à un autre, il tourne. C’est l’hon­neur des militants, des résistants de nager contre le courant quand néces­saire. Il n’y a pas d’avenir, pas d’Histoire pour ceux qui pratiquent la politique du chien crevé au fil de l’eau. Nous savons que ce système, le système capitaliste, si l’on ne se bat pas, conduit inéluctable­ment à la barbarie. Alors, une fois pour toutes, nous avons choisi notre camp. Nous savons que la classe ouvrière, mal­gré les coups reçus, est debout. Elle le démontre chaque jour, que ce soit en Tunisie, en Espagne, au Portugal, ou plus récemment dans cette petite île : Chypre.
Que le gouvernement et le patronat ne s’y trompent pas. Ils peuvent bien tenter toutes sortes de manoeuvres pour nous intégrer, pour nous amadouer. C’est peine perdue, car nous sommes par la raison, mais aussi viscéralement, attachés à l’indépendance, à la liberté et à la démocratie.
Notre décision est déjà prise. Si le gouvernement veut imposer un nouveau plan de rigueur, comme en 2010 contre le Plan Fillon, nous n’hésiterons pas une seule seconde à appeler à bloquer le pays, à appeler à la grève.

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