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mercredi 29 mai 2013

Chelou, l'éditorial de Claude Cabanes

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POLITIQUE -  le 29 Mai 2013

Chelou, l'éditorial de Claude Cabanes

Si l’on en croit le dictionnaire le Robert, qui accueille dans son édition 2013 des mots et des noms nouveaux, devenus familiers, on peut écrire aujourd’hui tranquillement : le « kéké » est « chelou ». Autrement dit le frimeur est louche. Et un heureux hasard fait que ce vocabulaire s’applique parfaitement à un homme qui était à nouveau, hier, au centre de l’actualité : Bernard Tapie.
Et il ne s’agit pas de la fameuse victoire 
des footballeurs marseillais il y a vingt ans en finale de la Coupe d’Europe. Mais de la garde à vue décidée hier par les trois magistrats du pôle financier pour le compte de la Cour de justice de la République dans l’affaire Lagarde-Tapie : Pierre Estoup, un des trois « juges arbitres », a été le premier retenu, puis l’avocat de l’ancien patron du club marseillais, Maurice Lantourne, l’a été à son tour, le premier étant soupçonné d’avoir très bien connu le second, et de l’avoir caché. On sait qu’au bout du compte, M. Tapie a reçu un pactole de plus de 400 millions d’euros d’un trio d’arbitres, sous la magistrature de la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, à l’issue d’une interminable procédure conflictuelle devant les tribunaux. Toute la question est de savoir 
si ce pactole a été accordé à la régulière ou par l’effet d’une magouille concertée dans les coulisses de la haute administration. Il y a quelques jours, Madame Lagarde, entendue plusieurs heures par les juges, a été désignée comme « témoin assisté » : ce n’est certes pas une mise en examen, mais ce n’est pas non plus un statut de simple témoin. Et c’est grave, parce qu’en définitive il s’agit de l’argent public : il s’agit de notre argent…
Nous nous garderons bien d’anticiper sur le déroulement et le dénouement de cette affaire qui concerne celle qui est aujourd’hui à la tête du Fonds monétaire international, poste occupé auparavant par Dominique Strauss-Kahn. Mais enfin les gardes à vue décidées hier donnent encore plus de poids au soupçon qui rôde dans ce dossier. Il se nourrit de nombreux éléments. Par exemple, le chèque accordé à l’intéressé comprend 45 millions d’euros au titre du « préjudice moral ». Ce n’est pas s’abandonner à un excès polémique que de considérer que le mot « moral » et la personnalité de Bernard Tapie ne collent pas bien ensemble. Il n’est par contre pas inutile de savoir que ces millions-là échappent à l’impôt… Ce qui n’est pas le cas du moindre euro des revenus des salariés, qui remplissent ces temps-ci leurs déclarations à destination du fisc… Passons.
Au chapitre des interrogations figure aussi 
le fait que cette procédure arbitrale est en principe réservée aux affaires privées, et ne concernait pas jusque-là des litiges où est en jeu de l’argent public. Complaisance organisée en douce pour l’ancien ministre de la Ville de François Mitterrand ? Et quelle réflexion peut naître de l’assiduité de Bernard Tapie auprès du candidat Sarkozy à l’élection présidentielle (six rencontres), puis auprès du président Sarkozy (douze rencontres après 2007) ? Par contre, nous ne tirerons pas de conclusion hâtive du propos de Mme Lagarde : 
« Est-ce que vous croyez que j’ai une tête à être copine avec Bernard Tapie ? » La question nous semble mal posée, aussi mal posée que d’avoir la tête à être copine avec l’émir du Qatar.
« Il me reste moins de 100 millions d’euros », 
a pleurniché Bernard Tapie. Si le « conflit d’intérêts » était prouvé et avéré, le remboursement de « notre argent » serait certainement de salubrité publique : ce serait le devoir du ministre de Bercy de l’exiger. Et une belle leçon à la « caste ». La caste des intouchables qui, là-haut, se croient tout permis.
Claude Cabanes

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