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vendredi 30 août 2013

Quand le vice-président du Medef défend... Montebourg

                                      Le Nouvel Observateur

Quand le vice-président du Medef défend... Montebourg

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Bien étrange débat à l'université d'été de l'organisation patronale. Face au ministre du Redressement productif, le vice-président a appelé les patrons à leurs responsabilités.

De gauche à droite : Jean-Claude Volot (vice président du Medef), Carole Couvert (présidente de la CFE-CGC) Pierre Gattaz (président du Medef), Arnaud Montebourg (ministre du redressement productif) et Denis Kessler (président de Scor). (Sipa)
De gauche à droite : Jean-Claude Volot (vice président du Medef), Carole Couvert (présidente de la CFE-CGC) Pierre Gattaz (président du Medef), Arnaud Montebourg (ministre du redressement productif) et Denis Kessler (président de Scor). (Sipa)
Le ton est monté, jeudi 29 août au soir, à l'université d'été du Medef à Jouy-en-Josas. Et ce n'est pas dû à la présence d'Arnaud Montebourg, bien que le ministre du Redressement productif soit toujours accueilli presque comme un ovni par les patrons les plus conservateurs. "Je remarque une grande différence par rapport à l'année dernière, parce que quand mon ami Arnaud est entré, une trentaine de vous l'ont sifflé. Et là, personne ne l'a sifflé", a lancé Jean-Claude Volot en ouverture de la table ronde intitulé "Faire gagner la France". Comme plus tôt entre Pierre Moscovici et Pierre Gattaz, le nouveau vice-président du Medef espérait un débat serein sur l'exportation, sujet dont il a la charge au sein du mouvement. Mais les patrons, réunis par centaines sur le campus d'HEC, ont aussi eu droit à un bon divertissement.

Un discours ultralibéral de Denis Kessler

C'est Denis Kessler qui a sonné la charge. Le PDG de l'assureur Scor, soutien de poids de Pierre Gattaz lors de sa campagne, s'est lancé dans un long et cinglant plaidoyer ultralibéral. Selon lui, il faut préférer "l'accumulation" à "la redistribution", "l'égalité des chances" à "l'égalité des situations", "le progrès scientifique" à "l'obscurantisme écologique", "le principe de raison" au "dangereux principe de précaution", "investir dans le gaz de schiste" au "retour à la traction bovine", "les autoroutes droites aux 30.000 ronds points que les collectivités locales françaises ont construit depuis 30 ans !" Et d'ajouter, sous les rires des patrons : "La France tourne en rond, on sait pourquoi."
L'ancien vice-président du Medef, visiblement ravi de retrouver une tribune après sept ans d'absence, a même invité son public à lire la fable de La Fontaine intitulée, selon lui, "Des lions tirés par des ânes". Sans être nommé, la majorité politique en a pris pour son grade. "Il faut dire 'oui' ou 'non', et non pas 'peut-être, nous allons faire une commission' - c'est comme à l'école, il y a des petites et des grosses commissions... il faut trancher, ne jamais donner du temps au temps. (...) "Il faut sortir de la patouille, de la politique de gribouille, de la mélasse et de l'ornière", a-t-il poursuivi, fustigeant les compromis et les "synthèses subtiles".

Un coup de gueule de Jean-Claude Volot

Son sens de la formule a fait rire le président du Medef Pierre Gattaz, mais pas Jean-Claude Volot, qui a noué de bonnes relations avec le ministère du Redressement productif lorsqu'il était médiateur du crédit, et qui plaide pour un rapprochement de la sphère économique et politique. "Je reprends l'intégralité des propos de Denis Kessler, sauf les abus", a-t-il répondu pour ménager Arnaud Montebourg. 
Ce ne fut pas le seul sujet de tension. Jean-Claude Volot s'est emporté contre les entreprises françaises, les accusant de manquer de dynamisme et d'avoir une part de responsabilité dans la faiblesse de leurs investissements et le retard de la France dans certains secteurs. "Les entreprises n'investissent pas assez. Est-ce que c'est la faute de l'Etat ?", a-t-il crié. "De vous à moi, on n'a pas une part de responsabilité là-dedans, non plus ? Nous sommes tous responsables".
C'est que la question lui tient à cœur. "Il y a 100.000 entreprises exportatrices en France, contre 200.000 en Italie et 300.000 en Allemagne", a expliqué Jean-Claude Volot en introduction. Et surtout, les 440 milliards d'euros de l'export français sont réalisés par 97% d'entre elles (soit 18.000), explique le président de Dedienne Aerospace, qui souhaite passer à 145.000 entreprises exportatrices en cinq ans.

Arnaud Montebourg diplomate

Arnaud Montebourg n'en demandait pas tant. Le ministre a certes rappelé le rôle positif que l'Etat pouvait avoir sur l'économie, citant l'exemple des Coréens et des entreprises bénéficiant de la commande publique en France, qui s'étaient montré les plus résilientes, comme dans le ferroviaire.
Mais il s'est montré diplomate avec les patrons jeudi soir. "En Saône-et-Loire, on a supprimé les ronds points, on va tout droit !", a-t-il répondu à Denis Kessler, non sans ironie. Rappelant la réduction de dépenses publiques à laquelle le gouvernement s'est engagée, il a glissé : "On s'y attelle, mais on a besoin de soutien aussi du Medef."
Ses piques n'étaient d'ailleurs pas tournées vers le patronat ce soir-là. "Je suis le ministre de l'économie concrète, réelle, et pas seulement des grands agrégats", a-t-il dit en introduction. Une allusion à Pierre Moscovici, avec qui il cohabite difficilement à Bercy ? "N'y voyez aucune malice", répond-il au "Nouvel Observateur". Avant d'annoncer, vendredi matin dans "M", qu'il envisage de se présenter à la présidentielle, un jour.

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