ELYSEE - Le piège se referme sur François Hollande. Le chef de l'Etat et ses proches ont beau déployer des trésors de communication après l'annonce de mauvais chiffres du chômage, pas sûr qu'ils arrivent à convaincre les Français que "l'inversion de la courbe est amorcée". Ce sont pourtant les mots exacts répétés par la majorité depuis jeudi soir.
En fait, le président de la République n'a pas le choix: depuis 15 mois, il a tellement martelé son objectif de retourner la situation sur le front de l'emploi qu'il est tenu d'y parvenir. Seulement le pari est risqué puisqu'il en va de sa crédibilité. "A force d'avoir insisté et répété sa promesse, elle a finit par entrer dans les esprits. Aujourd'hui le gouvernement est attendu au tournant et Le résultat va peser lourd dans le jugement de l'opinion", confirme Yves-Marie Cann, directeur opinion de l'institut CSA.
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Et quand bien même les statistiques tourneraient à l'avantage de l'exécutif fin janvier (quand seront dévoilés les chiffres de décembre), il y a peu de chance que sa popularité remonte aussitôt. Il n'y a qu'à regarder la dernière fois que le chômage avait baissé durablement, à la fin du deuxième quinquennat de Jacques Chirac. Les instituts de sondage avaient noté un décalage de quatre à six mois entre la publication de premiers chiffres positifs et le moment où les Français commencent à y croire. "La baisse doit être marquée et surtout elle doit être visible dans l'entourage des gens", explique le sondeur.
"C'est le rôle du général en chef"
Ce n'est pas avant mi-2014 que l'on pourra donc observer un regain de confiance envers le chef de l'Etat. Dans le cas contraire, ses marges de manœuvre seraient considérablement réduites pour le reste de son mandat. "Déjà que moins d'un Français sur quatre fait confiance à François Hollande, je n'imagine pas la suite", sourit un adversaire.
Mais au vu de ses risques, pourquoi François Hollande s'est-il à ce point acharné dans cette promesse? Pourquoi répétait-il encore le 20 décembre qu'il parviendrait à inverser la courbe alors même que l'Insee publiait des chiffres inquiétants? "C'est le rôle du général en chef de mobiliser ses troupes et d'être derrière elles", répond le ministre du Travail Michel Sapin sur Europe 1.
"Heureusement qu'il était là pour nous dire, l'an dernier, 'il faudra inverser la courbe du chômage en 2013'. Sinon, il n'y aurait pas eu la mobilisation que vous ne voyez pas mais que je vois au quotidien sur le terrain", ajoute le ministre du Travail.
Répéter et répéter encore le message était peut-être aussi une manière pour lui de convaincre une opinion sceptique. En début d'année, il faut se souvenir que peu de Français croyaient à l'objectif chef de l'Etat qu'il n'est pas loin de remplir. Inverser la courbe du chômage était même irréaliste pour 82% des personnes interrogées en avril par le CSA.
"Lancer un tel pari était absurde"
Mais c'est exactement le reproche adressé par l'UMP au chef de l'Etat: son idée aurait été de berner les Français. "Ce qui était absurde de la part de François Hollande c'était de lancer un pari de ce type alors qu'il n'avait simplement aucune maîtrise des clés de l'économie française et surtout aucune politique susceptible d'améliorer la compétitivité de l'économie française. Tirer une traite sur l'avenir en disant 'pile ou face', ça décrédibilise la parole politique et c'est extraordinairement inquiétant", a jugé l'ex-ministre Gérard Longuet sur RTL.

L'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin abonde en ce sens évoquant la "sincérité du gouvernement".
Les promesses non tenues... par la gauche comme par la droite
Ces deux réactions sont logiques dans le jeu de ping-pong politique entre la majorité et l'opposition. Mais elles semblent ignorer un sentiment plus général: c'est le personnel politique dans son ensemble qui, a force d'engagement non respecté, a finit par perdre la confiance des électeurs. Et sur ce point, la droite n'échappe pas à la critique.
Petit flashback. Retour en janvier 2007 en pleine campagne présidentielle. Nicolas Sarkozy alors candidat de l'UMP fait une annonce sur le plateau de l'émission A vous de juger diffusée sur France 2. "Je veux m’engager sur le plein emploi, c'est-à-dire 5% de chômeurs à la fin de mon quinquennat, lance-t-il. Si on s’engage sur 5% de chômeurs et qu’à l’arrivée il y en a 10, c’est qu’il y a un problème. Si j'échoue. Je le dis au Français, il faut en tirer les conséquences."

Quelques mois plus tôt, le même Nicolas Sarkozy s'engageait lors d'un meeting à Charleville-Mézières à ce qu'il n'y a ait plus de personnes sans domicile fixe d'ici à fin 2008. Pourtant en 2009, 338 SDF avaient trouvé la mort dans les rues françaises. Mais la palme de la promesse jamais tenue revient sans conteste au droit de vote des étrangers. Elle figure en effet dans les programmes de tous les gouvernements socialistes depuis 1981 et n'a pourtant jamais été mise en oeuvre.
Le FN profite du discrédit généralisé
Voir la droite et la gauche renvoyées dans les mêmes cordes fait plaisir à un parti qui se frotte les mains: "Aujourd'hui l'opposition incarnée par l'UMP ne profite pas des difficultés de la majorité et tout se passe comme si c'était le Front national qui récoltait les fruits du discrédit qui frappe la gauche et la droite", explique Yves-Marie Cann. En vue des prochaines élections européennes -les municipales étant surtout un enjeu local- il n'écarte donc pas l'hypothèse que le parti de Marine Le Pen soit le premier en nombre de voix.
Il y a une raison à cela: le FN est le seul grand parti qui n'a jamais été confronté à la réalité du pouvoir et donc à devoir respecter ses engagements. Il a beau le réclamer aujourd'hui, cette virginité est sans doute sa plus grande force. Ses leaders ne se privent d'ailleurs jamais de renvoyer dos à dos la droite et la gauche que ce soit Jean-Marie Le Pen qui parlait de "bonnets blancs et de blancs bonnets" ou Marine Le Pen avec son slogan de "l'UMPS".
Nuance tout de même: une enquête du CSA publiée il y a quelques mois montrait qu'une majorité de Français ne pensait pas le Front national capable de faire mieux que les autres. "Le FN ne fait pas mieux en terme de crédibilité mais il représente toujours une opportunité pour dire son mécontentement", conclut Yves-Marie Cann.
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