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jeudi 31 juillet 2014

HISTOIRE et MEMOIRE : La mort de Jean Jaurès racontée par "L'Humanité": retour sur "l'horrible chose" du 31 juillet 1914

HISTOIRE et MEMOIRE


Le Huffington Post

"L'HORRIBLE CHOSE"

La mort de Jean Jaurès racontée par "L'Humanité": retour sur "l'horrible chose" du 31 juillet 1914

Publication: 

HISTOIRE - "Il a été tué sous nos yeux par deux balles assassines". Le 1er août 1914,L'Humanité consacre l'intégralité de sa Une à la mort de Jean Jaurès, abattu la veille par le nationaliste Raoul Villain. Un déséquilibré, "fanatique de basse espèce", opposé au camp de la paix dont le leader socialiste est devenu le plus fervent porte-voix.
"Il est mort quasi foudroyé. Mort de la plus sublime et de la plus sainte des morts, celle du militant, du héros, du martyr", pleure le quotidien, conscient de la portée historique de l'événement comme de celle du personnage, devenu 100 ans après une figure républicaine honorée (et récupérée) d'un bout à l'autre de l'échiquier politique.
Tué sous les yeux de ses collaborateurs
L'émotion qui étreint le journal est vive et on la comprend. Jean Jaurès n'est pas seulement le fondateur et directeur politique de L'Huma. Il est aussi aux yeux de ses camarades le dernier frein en France à l'escalade militaire qui secoue l'Europe.
Pire: ses collaborateurs ont été les témoins directs de l'assassinat du 31 juillet, survenu au restaurant du Croissant, à quelques mètres des locaux du journal, alors situé au 142, rue Montmartre.
» En guise d'hommage, le quotidien a reproduit sa Une du 1er août 1914 en première page de son numéro du jeudi 31 juillet:Voir l'image sur Twitter
Et donc, en hommage à Jaurès, L'Humanité republie sa une du 1er août 1914
Arrivé peu avant 20h après s'être entretenu de la situation internationale avec le ministre des Affaires étrangères, Jean Jaurès se laisse convaincre d'aller dîner avant de boucler l'édition du jour. Le petit groupe hésite, opte pour le café du Croissant. Le chef de file s'installe dos à la fenêtre, restée ouverte en raison de la chaleur étouffante de ce mois de juillet.
A sa table, Philippe Landrieu, administrateur de L'Huma, le rédacteur Ernest Poisson et sa femme Marguerite, le député Pierre Renaudel, Jean Longuet, cofondateur du journal, André et Daniel Renoult, journaliste parlementaire...
Une connaissance vient alors saluer le groupe et montre la photo de son enfant. C'est aux alentours de 21h40, alors que Jaurès complimente le père, que survient le drame. "Tout à coups -souvenir atroce!- deux coups de feu retentissent, un éclair luit, un cri de femme, épouvantable: Jaurès est tué! Jaurès est tué!".
"Jaurès a trahi son pays en combattant la loi des trois ans"
Tandis qu'une partie de la troupe court à la recherche d'un médecin, une autre se met en chasse de l'assassin. Selon L'Humanité, c'est le journaliste Daniel Renoult qui lui met la main dessus le premier. "Grand, élégant", l'homme qui a tiré sur Jaurès à bout portant depuis la rue refuse de décliner son identité mais assume son geste.
"Je reconnais avoir tué M. Jaurès; je l'ai aperçu dans le café de la rue Montmartre; de la main gauche, j'ai écarté le rideau et de la main droite j'ai tiré deux coups de revolver", déclare-t-il devant la police.
La dimension politique du meurtre est elle aussi revendiquée, comme le relateL'Humanité. "Si j'ai agi ainsi, c'est que j'estime que Jaurès a trahi son pays en combattant la loi de trois ans [qui étendait le service militaire] et qu'il faut punir les traîtres".
C'est bien le pacifisme de Jaurès qui est visé à travers sa mort. Le 14 juillet 1914, le ténor socialiste a défendu le principe de la grève générale et internationale pour contraindre les gouvernants à renoncer aux armes.
Le coup d'envoi de la guerre
Dans son dernier éditorial paru le jour de sa mort, intitulé "Sang froid nécessaire", Jean Jaurès veut croire qu'il est encore temps "d'écarter de la race humaine l’horreur de la guerre". "Le péril est grand, mais il n’est pas invincible si nous gardons la clarté de l’esprit, la fermeté du vouloir, si nous savons avoir à la fois l’héroïsme de la patience et l’héroïsme de l’action. La vue nette du devoir nous donnera la force de le remplir", espère-t-il.
Sa disparition tragique emporte avec elle cet optimisme de volonté tandis que l'Autriche-Hongrie marche sur la Serbie, un mois après l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand.
"Quelque crime précède toujours les grands crimes... L'hécatombe exécrable que préparent à cette heure dans leurs ténèbres les partis militaires et les nationalismes de tous les pays aura eu pour prélude un monstrueux assassinat", semble se résoudre la rédaction de "L'Humanité" dans un court éditorial. Une partie de ses amis se rallieront d'ailleurs au gouvernement d'union nationale qui mènera la France à la bataille. Deux jours plus tard, l'Allemagne déclare la guerre à la France. La Première guerre mondiale a commencé.

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