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jeudi 18 juin 2015

Bicentenaire de Waterloo: cet autre 18 juin qui ne passe pas en France

Le Huffington Post


Bicentenaire de Waterloo: cet autre 18 juin qui ne passe pas en France

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WATERLOO

HISTOIRE - Comme l'an dernier, l'ancien premier ministre François Fillon commémorera depuis Londres le 75e anniversaire de l'Appel du 18 juin prononcé en 1940 par Charles de Gaulle sur les ondes de la BBC. Cinq avant lui, Nicolas Sarkozy avait été le premier président de la République à célébrer de l'autre côté de la Manche cet événement fondateur de la Résistance.
Si la célèbre adresse du chef de la France libre fait chaque année l'objet d'un hommage national et transpartisan (François Hollande sera au Mont Valérien ce jeudi), faut-il s'étonner qu'un autre 18 juin tout aussi historique soit lui ostensiblement ignoré par la classe politique française?
Près de 125 ans avant le message du général, le 18 juin 1815, l'Empereur Napoléon Bonaparte revenu d'exil engageait sa dernière grande bataille à Waterloo (Belgique) face aux forces alliées européennes. Dans cette "morne plaine" détrempée à quelques kilomètres de Bruxelles s'affrontèrent il y a 200 ans près de 93.000 Français et 125.000 britanniques, allemands, belges et hollandais.
Censée durer le temps "d'un déjeuner", la bataille va s'éterniser. A la nuit tombée, la Grande Armée (ou ce qu'il en reste) est en déroute. Les pertes totales sont estimées à 10.000 hommes, les blessés à 35.000. L'ère des guerres napoléoniennes s'achève, ouvrant la voie au nouvel ordre mondial du congrès de Vienne.
Un bicentenaire exceptionnel en Belgique
"D'un côté c'est l'Europe et de l'autre la France". Deux siècles plus tard, le vers de Victor Hugo prend un tout autre sens. Car si Paris n'a rien prévu pour commémorer l'événement, la Belgique entend bien célébrer en grande pompe la bataille devenue un haut lieu de tourisme.
Préparées depuis des années, les cérémonies du bicentenaire se veulent grandioses. Au pied de la butte surmontée d'un lion construite sur le champ de bataille, l'événement doit réunir autour du roi des Belges Philippe et de la reine Mathilde, le couple royal des Pays-Bas, les grands-ducs du Luxembourg, un représentant de la famille royale britannique (le prince Edward, cousin d'Elizabeth II), ainsi que des descendants des principaux belligérants.
Dans la soirée, un grand spectacle sons et lumières, inspiré du célébrissime poème "L'expiation" de Victor Hugo, doit être joué devant 60.000 spectateurs sur le site, avant deux jours de reconstitutions auxquelles participeront plus de 5.000 figurants en costumes, 360 chevaux et une centaine de canons.
Et la France dans tout cela? Après avoir tenté d'empêcher (en vain) l'émission d'une pièce de monnaie commémorative de Waterloo de crainte qu'elle "engendre une réaction défavorable en France", Paris a finalement dépêché son ambassadeur en Belgique. Pas plus.
La France ne commémore pas ses défaites
Présent en Belgique, le prince Charles Bonaparte juge "dommage" que le président François Hollande ait décidé de bouder les commémorations officielles de la bataille. "Il n'y a aucune de raison d'avoir honte de son histoire. Waterloo, c'est le début d'une légende, Napoléon est un personnage mondialement connu", renchérit le descendant du frère de l'Empereur, Jérôme Bonaparte.
A la décharge du président de la République, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le 18 juin est traditionnellement dédié à la mémoire de Charles de Gaulle. Et la France n'a jamais eu pour habitude de commémorer ses défaites, même lorsqu'elles engageaient un autre régime que la République. "Pour la France, la défaite de Waterloo en 1815 marque la fin de sa puissance hégémonique. Il faut bien se rappeler que depuis 1643 et la victoire à la bataille de Rocroi, la France était la première puissance européenne et sans doute mondiale", rappelle l'historien Dimitri Casali, auteur de "Qui a gagné Waterloo?".
Orgueil national mal placé? "La bataille de Waterloo est un événement dont la résonance particulière dans la conscience collective va au-delà de la simple évocation d'un conflit militaire", avait expliqué Paris à ses partenaires européens pour empêcher l'émission de la pièce commémorative belge. "L'idée est d'adresser à l'occasion de ce bicentenaire un message de réconciliation et d'union", plaide-t-on en vain du côté des autorités belges.
Mais, à l'instar de la Bérézina, Waterloo reste un synonyme de déroute de ce côté-ci des Ardennes en plus d'une blessure mémorielle pour la France républicaine. Encore tout récemment, l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot qualifiait de "Waterloo moral" la politique d'immigration du gouvernement socialiste. On imagine les commentaires si, dix jours après, François Hollande avait décidé de s'inviter sur le lieu d'un des plus grands désastres militaires de France. Qui plus est au moment même où la classe politique s'écharpe sur la place du "roman national" dans l'enseignement de l'histoire au collège.
Une réconciliation toute symbolique
Au-delà de Waterloo, la figure de Napoléon reste un sujet de controverses. En 2005,les (rares) commémorations du bicentenaire de la victoire d'Austerlitz avaient engendré une polémique entre les admirateurs du stratège militaire et ceux qui l'accusaient d'avoir rétabli l'esclavage. Jacques Chirac et son premier ministre Dominique de Villepin avaient alors boudé la seule cérémonie officielle prévue sur le territoire français.
Ce passé napoléonien "qui ne passe pas" n'est pas une spécificité hexagonale. Chaque pays entretient le souvenir des grandes batailles à l'aune de sa propre histoire. Si elle commémore chaque année sa "libération de la folie raciste et de la dictature nazie", l'Allemagne n'avait prévu aucun événement d'ampleur pour le centenaire du début de la Première guerre mondiale. Tout au long du XIXe siècle, la Grande-Bretagne célébra le jour anniversaire de la bataille de Trafalgar tout en ignorant la fête d'indépendance américaine du 4 juillet.
Heureusement, les rivalités -même impériales- finissent un jour pas s'estomper. La grande fête du bicentenaire s'est d'ailleurs ouverte ce mercredi par une réconciliation toute symbolique des héritiers des belligérants de 1815. Le duc de Wellington, dont le lointain ancêtre fut le héros britannique de la bataille, le prince Nikolaus Blücher von Wahlstatt, descendant du maréchal prussien dont la détermination permit aux Alliés de finalement l'emporter, et le prince Charles Bonaparte se sont chaleureusement serré la main sous le regard du prince Charles d'Angleterre.
"Ce n'est pas un jour triste pour notre famille. Je ne me suis pas battu ici, nous faisons partie de l'histoire et de la culture, et l'histoire et la culture n'ont rien de triste", a résumé devant la presse Charles Bonaparte. C'est ce qu'on appelle être beau joueur.
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