Translate

jeudi 31 mars 2016

Comment sécurise-t-on une manifestation comme celle contre la loi Travail?


Le Huffington Post

Comment sécurise-t-on une manifestation comme celle contre la loi Travail?

Publication: Mis à jour: 


POLICIERS MANIF

La plus grande manifestation contre la loi Travail est prévue ce jeudi 31 mars. | AFP

SYNDICATS - C'est le Jour-J des anti El Khomri. Après trois galops d'essai au cours des trois dernières semaines, la plus grande manifestation contre la loi Travail est prévue ce jeudi 31 mars. Si le front syndical n'est pas uni (la CFDT, Unsa ou la Fage n'appellent pas à défiler), une dizaine de syndicats organisent cette journée pour réclamer le retrait du texte dont l'examen vient de commencer à l'Assemblée.
Alors que les organisations étudiantes et lycéennes, Unef en tête, étaient les fers de lance des précédentes actions, la CGT et FO sont désormais aux avant-postes, ce qui garantit théoriquement une affluence plus conséquente. Le 9 mars, 100.000 personnes avaient défilé dans les rues de la capitale, selon les organisateurs qui visent, cette fois, le double.
Les risques de débordements sont-ils pour autant plus élevés? Après les échauffourées du 24 mars, la sécurisation de la manifestation est devenu un enjeu majeur. Mais si l'on croit les interlocuteurs que Le HuffPost a contactés, toutes les conditions sont réunies pour minimiser les tensions. "C'est la configuration que les autorités préfèrent car c'est la configuration classique d'une manifestation à l'appel de syndicats, les services d'ordre sont rompus à l'exercice et collaborent bien avec les services", explique le député socialiste François Popelin qui fut rapporteur d'une commission d'enquête parlementaire sur le maintien de l'ordre et le droit de manifester.
"Ce sont les manifestations que la préfecture de police maîtrisent le mieux, ce n'est pas comme avec les étudiants, confirme Luc Poignant du syndicat SGP Police FO. Pour autant, cela ne s'organise pas en claquant des doigts." Réussir une manifestation obéit en effet à des règles bien définies.
Le choix crucial du parcours de la manif
Après la date de la manifestation, le point le plus crucial est l'itinéraire du cortège. Ce jeudi, le défilé parisien ira de la place d'Italie à celle de la Nation, soit un peu plus de quatre kilomètres dans l'est de la capitale. "On décide du parcours avec les autres organisations syndicales en fonction de l'affluence attendue. Si on choisit un parcours de 1,5 km comme le 24 mars, on ne peut pas écouler trois fois plus de monde. Les derniers ne pourront jamais se mettre en marche", explique Gabriel Gaudy, responsable de FO en Ile-de-France qui organise le cortège.
Dans la mesure du possible, les syndicats choisissent des avenues larges pour caser un maximum de monde et faciliter l'avancée du cortège. "Une manifestation qui s'arrête est une manifestation en danger", lance la responsable du service d'ordre de l'Unef.
Ce projet de parcours est ensuite adressé à la préfecture de police (PP) avec qui s'ouvre une phase de négociation. Enjeu: s'assurer que le blocage de la circulation ne sera pas trop intempestif pour les Franciliens et que des zones de dégagement existent pour disperser rapidement la manifestation en cas de perturbations. Avec la PP, les discussions concernent aussi l'heure du début de la mobilisation et le moment de sa dispersion dont le lancement sera assuré par les organisateurs.
Des centaines de syndicalistes mobilisés dans les services d'ordre
Pendant toute la durée du défilé, un double encadrement est à l'oeuvre. "Les autorités et les syndicats ont un intérêt commun à coopérer le mieux possible -ce qui ne veut pas dire se compromettre- pour que la liberté de manifester s'exerce dans toutes les conditions de sécurité requises", affirme François Popelin.
Ce sont en premier lieu les services d'ordre des organisateurs qui assurent la sécurité des manifestants. "C'est particulièrement vrai en ce moment puisqu'en plein état d'urgence, les forces de l'ordre n'ont pas que ça à faire", lance un syndicaliste aux premières loges ce jeudi. Force Ouvrière entend mobiliser plus de 200 personnes (un chiffre très conséquent pour la centrale) et les effectifs pourraient être supérieurs à la CGT qui est réputée pour avoir le service le plus expérimenté. "Le nôtre est composé de 30 à 40 personnes", explique-t-on à l'Unef où l'on goûte peu la présence policière. "On est là pour ne pas de donner de raison aux CRS de gazer le cortège", nous dit-on pour résumer la mission du service d'ordre.
"On fait tout pour que les manifestants qui sont des travailleurs puissent revendiquer dans les meilleurs conditions et que notre message ne soit pas parasité par des casseurs qui n'ont rien à voir avec nous", reprend de manière moins provocatrice Gabriel Gaudy.
En théorie, chaque syndicat assure la sécurité de la partie du défilé qui le concerne, ce qui explique que les queues de cortège moins syndiquées sont régulièrement le théâtre des débordements. Quant au carré de tête, celui où les ténors syndicaux et politiques prennent place derrière la banderole, sa sécurité est assurée par FO et la CGT. "Nous sommes d'autant plus nombreux que nous devons assurer la sécurité du cortège des lycéens et étudiants qui n'ont pas les mêmes capacités que nous. On l'a vu le 24 mars", lance Gabriel Gaudy en référence à la dernière mobilisation des organisations de jeunesse émaillée de plusieurs incidents.

Ces militants sont affublés d'un signe distinctif pour se faire reconnaître au premier coup d'oeil, aussi bien par les forces de l'ordre que par les manifestants. "Tout bon manifestant qui se respecte sait que quelqu'un avec un ruban autour du bras est un membre du service d'ordre et qu'il ne faut pas le dépasser", affirme un syndicaliste rompu aux manifestations. Chez FO, on rappelle qu'il ne s'agit pas de professionnels ou de permanents du syndicat ou encore moins de salariés de sociétés privées mais de personnes syndiquées dans les entreprises. "De manif en manif, ils prennent l'habitude et ce sont des sportifs. On essaie dans la mesure du possible d'avoir des pratiquants de sport de combat. Mais bien évidemment, ils ne sont pas armés", précise Gabriel Gaudy. "Nous sommes des citoyens comme les autres, et ce n'est pas nous qui allons interpeller quiconque, encore moins mettre les menottes", reprend la responsable du service d'ordre de l'Unef.
"Les CRS, ces légionnaires de la police"
Cela relève des missions des forces de l'ordre qui sont en appui. Mais pas seulement. "Elles sont là pour que les troubles à l'ordre public soient les moins nombreux possibles. Il y a ceux qui sont tolérés comme les gènes de la circulation mais les cassages ne sont pas admissibles. Or on sait que 40 personnes peuvent suffire à pourrir une manifestation, donc les policiers sont là pour s'assurer que ces fauteurs de troubles ne puissent pas agir", précise François Popelin.
À Paris, c'est la PP qui détermine le dispositif en fonction du nombre de manifestants attendus, de l'itinéraire et des risques estimés de débordements. "Pour se préparer, la PP est en relation avec les syndicats et les renseignements généraux qui lui fournissent des informations jusqu'à la dernière seconde pour ajuster les moyens déployés", précise une source bien informée. "Ce jeudi, les effectifs se comptent en plusieurs centaines de personnes, sans compter nos collègues de la circulation qui doivent bloquer les carrefours", croit savoir Luc Poignant.
En théorie, les forces de l'ordre se trouvent en bordure de l'itinéraire et ne font pas face aux manifestants. "Rien ne sert de faire passer les manifestants devant les boucliers, ça stresse tout le monde", témoigne le responsable d'une organisation. Au plus près, se trouvent les gardes mobiles et les CRS. "Ce sont les légionnaires de la police, sourit un fonctionnaire. Leur mission numéro un est justement le maintien de l'ordre. Il vaut mieux que ce soit eux plutôt que la Bac qui interviennent car c'est plus facile pour la préfecture de police de se défausser."
Sur place, la liaison est assurée par relais radio avec la salle de commandement de la direction de l'ordre public et de la circulation. "Mais c'est le préfet de police qui décide. Pendant les manif contre le CPE en 2006, on avait eu recours à des canons à eau. C'est lui qui donne cet ordre mais si ça doit encore être le cas, c'est que beaucoup de choses auront déjà été cassées", conclut Luc Poignant.
Lire aussi :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire