Translate

lundi 30 octobre 2017

Jacques Sauvageot Ancien président de l'UNEF, acteur majeur de Mai 68


31 octobre 2017

Jacques Sauvageot

Ancien président de l'UNEF, acteur majeur de Mai 68

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Avec la mort de Jacques Sauvageot, c'est l'une des figures historiques de Mai 68 qui s'est éteinte, à quelques mois du cinquantième anniversaire des événements. L'ancien président de l'UNEF est mort le samedi 28 octobre à l'âge de 74 ans à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris où il avait été admis le 12 septembre après avoir été percuté par un scooter, a confirmé sa famille au Monde.
En mai  1968, Jacques Sauvageot, membre des étudiants du Parti socialiste unifié (PSU) et vice-président de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF), est le dirigeant effectif du syndicat étudiant, dont il prendra la présidence quelques mois plus tard. Avec Alain Geismar, alors secrétaire général du Snesup, et Daniel Cohn-Bendit, le porte-parole du mouvement nanterrois du 22-Mars, il est un des acteurs majeurs de ces deux mois qui ébranlèrent le pouvoir gaulliste.
Jacques Sauvageot est né le 16  avril 1943, à Dijon. Petit-fils d'un maréchal-ferrant, fils d'un employé de la SNCF et d'une femme au foyer –  "  employée de maison non rétribuée  ", pour reprendre la formule qu'il utilisait – d'origine paysanne, il est élevé dans une famille catholique assez religieuse. Son père avait été militant CFTC puis CFDT, mais sans en faire état  : son fils ne l'apprendra qu'en  1968.
Il fréquente une école privée confessionnelle jusqu'en 3e puis intègre le lycée public en 2de et réussit le bac sciences expérimentales. Il entre à la faculté de lettres de Dijon pour faire des études de philosophie, mais déçu par l'enseignement, s'inscrit en faculté d'histoire de l'art et de droit public. Il obtiendra les deux licences. Il adhère à l'UNEF, dont un de ses frères avait été un dirigeant.
Sa première activité militante consiste à tirer des polycopiés. Il s'occupe de la chorale étudiante, du secteur culturel puis devient président de la corpo de lettres et préside l'Association générale des étudiants de Dijon (AG-UNEF) jusqu'en juillet  1967. Délégué régional de l'UNEF, il décide alors de quitter Dijon.
Arrivé à Paris en septembre  1967, il entre immédiatement au bureau national de l'UNEF. Il n'est alors membre d'aucun parti mais sympathisant du PSU, dont il partage globalement les idées. C'est Marc Heurgon, alors membre du bureau national du parti dirigé par Michel Rocard, qui le fait adhérer, en février  1968.
Vice-président adjoint de l'UNEF, il s'occupe des résidences universitaires. Le syndicat étudiant est alors en proie à des violents débats internes entre les différents courants d'extrême gauche. Jacques Sauvageot gardera un souvenir cuisant de la semaine durant laquelle les étudiants lambertistes trotskistes de la Fédération des étudiants révolutionnaires (FER) bloquèrent l'accès aux locaux de l'UNEF, rue Soufflot, pour que le syndicat signe un texte convoquant une conférence nationale de la jeunesse.
En désaccord avec le président de l'UNEF, Michel Perraud, qui démissionne en avril  1968, Jacques Sauvageot est proposé pour assurer l'intérim, son mandat devant être confirmé par un congrès ou une assemblée générale. La prise en main de la direction par un membre du PSU est le fruit d'un compromis entre les groupes d'extrême gauche, à l'exception des lambertistes. De 100  000 avant 1960, le nombre d'adhérents est alors tombé à 30  000. Le syndicat étudiant entretient des rapports privilégiés avec le Snesup.
"  Elections piège à cons  "Jacques Sauvageot est conscient de l'état de faiblesse de l'UNEF. Les assemblées locales agissent de façon autonome, et les contestataires du 22-Mars, à Nanterre, n'ont pas attendu le syndicat étudiant pour se mettre en mouvement. Toutefois, à compter de la fermeture de l'université de Nanterre, l'UNEF s'engage dans le mouvement de solidarité.
Pendant les vacances de Pâques, Jacques Sauvageot, délégué par le PSU, se rend en Italie à un congrès d'organisations politiques progressistes anti-impérialistes. Il constate alors le niveau de mo-bilisation des étudiants italiens. Revenu en France, il prend part à l'occupation de la Sorbonne et fait partie des militants arrêtés le 3  mai. L'UNEF lance un mot d'ordre de grève et prend des contacts avec les syndicats. Il en sort l'appel à la manifestation du 13  mai, où la CGT, malgré ses réticences, accepte que l'UNEF, le Snesup, le mouvement des lycéens et celui du 22-Mars défilent en tête de cortège.
Ce mois de mai va changer son statut public. Aux côtés d'Alain Geismar et de Daniel Cohn-Bendit, il est alors l'un des porte-parole du mouvement, même s'il n'a pas l'impact médiatique d'un "  Dany  ". Aux yeux des responsables politiques et syndicaux, il apparaît comme un interlocuteur crédible. Grâce à ses contacts avec le PSU, il est le maître d'œuvre de l'organisation du meeting de Charléty, le 27  mai. Néanmoins, alors que la tenue d'élections législatives anticipées a été annoncée, le fossé se creuse avec Michel Rocard, qui veut que son parti y prenne part tandis que Jacques Sauvageot défile, lui, derrière des banderoles " Elections piège à cons  ".
Après la défaite électorale et la fin des grèves, le congrès de l'UNEF de décembre souligne les divisions internes du syndicat étudiant. Président de fait par -intérim, il aurait dû être confirmé par une assemblée générale en avril  1968, mais les lambertistes avaient décrété que celle-ci ne se tiendrait pas et envoyé leur service d'ordre, empêchant sa tenue.
Il devient président en titre au congrès de Marseille, en décembre  1968. Mais, son sursis arrivant à terme, il doit effectuer son service militaire et est affecté dans une base aérienne à Solenzara, en Corse. Il est accueilli par un militant du PSU dont la voiture, peu après, fait l'objet d'un plasticage. Jacques Sauvageot juge alors plus prudent de rester cantonné dans sa base.
A son retour du service militaire, en juillet  1970, il devient quasiment permanent du PSU, sans salaire. Puis il est un des animateurs de la Gauche ouvrière et paysanne (GOP), courant interne au PSU, qui donnera naissance à Pour le communisme  puis à l'Organisation communiste des travailleurs (OCT). Cependant l'éparpillement de l'extrême gauche en une myriade de chapelles et de groupuscules le déçoit. Il abandonne cette forme de militantisme en  1976 et s'investit dans la création de radio libres, alors interdites par le pouvoir giscardien, notamment à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).
Après avoir vécu à Paris jusqu'en  1973, puis à Nantes, sans exercer d'emploi durable, il travaille comme enquêteur agricole, puis est un temps embauché comme ouvrier spécialisé, "  par nécessité  ", dans une usine de transformateurs électriques. Il est licencié un an plus tard, avec d'autres salariés, à la suite des difficultés économiques que connaît cette entreprise. Il réussit alors le concours de recrutement pour devenir professeur d'histoire de l'art à l'Ecole des beaux-arts de Nantes. Un concours s'étant ouvert pour le poste de directeur de l'Ecole régionale des beaux-arts de Rennes en  1989, il est sélectionné et occupe cette fonction jusqu'en  2009.
Associé au cinquantenaire du PSU, en  2010, Jacques Sauvageot était le secrétaire de l'Institut tribune socialiste, qui gère les archives et anime des débats avec des anciens du PSU et des militants sensibles aux idées et pratiques de ce parti dissous en  1989, mais qui a marqué l'histoire de la gauche politique et syndicale.
Patrick Roger
© Le Monde



article suivant 

Henri Leclerc : " Un garçon réfléchi quand tout le monde perdait la tête "

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Henri Leclerc, avocat pénaliste et figure de la Ligue des droits de l'homme, a -longtemps côtoyé Jacques Sauvageot, comme avocat, camarade et militant. Il se souvient l'avoir connu, en pleine tourmente de mai  1968 et au bureau national du Parti socialiste unifié (PSU) où tous les deux étaient adhérents. Il raconte.

"  Comme j'étais au bureau national du PSU comme Jacques Sauvageot, je suis vite devenu l'avocat de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF). Jacques, alors président par intérim du syndicat, menait la bataille et était aux premiers rangs dès les premiers jours de la révolte étudiante. Il avait été arrêté, le 3  mai, avec Daniel Cohn-Bendit et j'ai été l'assister. Jacques a été relâché. C'est lui qui m'a demandé de prendre la défense de Cohn-Bendit mis en cause devant un conseil de discipline à la Sorbonne, bien que ce dernier ne fût pas à l'UNEF. Pendant tout le mouvement de mai, il était, avec Geismar et Cohn-Bendit, une des trois figures majeures de la mobilisation. Même s'il était à la tête d'une organisation étudiante très affaiblie, il était un des rouages qui comptait. Il était en lien constant avec le bureau national du PSU. Il a ainsi participé le 26  mai, à une réunion qui se voulait décisive chez le professeur de médecine Marcel Francis Kahn. Dans le grand appartement du professeur dans le Quartier latin en pleine émeute, en présence d'Edmond Maire, Pierre Mendes France, Gilles Martinet, Michel Rocard et d'autres membres de la direction du PSU, nous avons tenté de trouver une porte de sortie politique au mouvement et de contrer Mitterrand et la Fédération de la gauche démocrate et socialiste d'un côté, le Parti communiste français de l'autre. Mais il n'en est pas sorti grand-chose  !
Le lendemain le 27  mai, c'est lui encore la cheville ouvrière du grand meeting au stade Charléty, à Paris. Moins flamboyant, moins hors norme que Cohn-Bendit, il était essentiel dans le trio formé avec Geismar. Quand l'Histoire nous mordait la nuque, lui gardait la tête froide. J'ai le souvenir d'un garçon réfléchi dans une période où tout le monde perdait la tête. Au sortir du mouvement, il a conforté ses positions internes dans l'UNEF malgré la forte opposition des trotskistes lambertistes de la Fédération des étudiants révolutionnaires. De président par intérim, il prend officiellement la tête de l'UNEF au congrès de Marseille en décembre  1968. J'ai continué à l'assister comme avocat.
Il a dû ensuite partir faire son service militaire mais est resté militant du PSU. On continuait à s'y côtoyer quand il est revenu mais on a commencé à s'éloigner politiquement quand il a pris la tête de la Gauche ouvrière et paysanne contre Rocard. Il a participé à la scission qui a donné naissance à l'Organisation communiste des travailleurs, et on s'est un peu perdu de vue.
Je l'ai retrouvé bien des années après à l'Institut tribune socialiste - fonds de dotation qui fait vivre l'héritage du Parti socialiste unifié - . Il en a été le secrétaire général et était très soucieux de garder la mémoire de ce courant de la gauche française et du rôle joué par Michel Rocard. Dans cette réunion des vieux du PSU et rocardiens de toujours, il avait préparé une journée d'études sur Rocard le 23  novembre à la mairie du 3e arrondissement. Il devait y prendre part.  "
propos recueillis par Sylvia Zappi
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire