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mercredi 31 janvier 2018

Les députés macronistes en pôles dispersés


31 janvier 2018

Les députés macronistes en pôles dispersés

Au sein du groupe majoritaire, les sensibilités commencent à s'agréger

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Aterme, le groupe La République en marche (LRM) à l'Assemblée nationale peut-il voir son unité se fragiliser ? Le risque est identifié depuis le début du quinquennat par les poids lourds de la Macronie, conscients de la difficulté de faire cohabiter dans un même ensemble 312 députés sans histoire commune, issus aussi bien de la gauche que de la droite, de la société civile comme de la politique professionnelle.
Sept mois après le début de la législature, le groupe majoritaire reste suffisamment soudé pour voter l'ensemble des projets de loi impulsés par l'exécutif. Mais il n'en demeure pas moins menacé par un symptôme de fragmentation, à la suite de l'émergence de plusieurs sous-groupes, qui se constituent autour de sensibilités idéologiques ou par affinités.
Le plus structuré d'entre eux est le " pôle social ", piloté par la députée du Pas-de-Calais Brigitte Bourguignon. Alors que la politique du gouvernement penche à droite, trente-cinq élus LRM se retrouvent chaque semaine autour de la présidente de la commission des affaires sociales, ex-socialiste convertie au macronisme, afin de porter une voix plus sociale.
Constitué au départ d'une poignée d'élus, ce groupe informel se structure de plus en plus pour représenter l'aile gauche parmi la majorité. Ses membres disent vouloir " peser en interne " pour mettre en avant leur sensibilité.
D'après nos informations, un autre groupe est en passe de se créer sur le même modèle, au  sein de la majorité. Il s'agit d'un " pôle écologiste ", piloté par le député des Bouches-du-Rhône, François-Michel Lambert, élu sous l'étiquette écologiste en  2012 puis réélu cinq ans plus tard sous l'étiquette LRM. " En germe depuis plusieurs mois, le projet de constituer ce pôle est désormais mûr. La première réunion aura lieu la semaine prochaine à l'Assemblée nationale, mardi  6 ou mercredi 7  février ", annonce M. Lambert au Monde. Ce dernier entend fédérer des députés de la majorité ayant " un regard aiguisé sur l'écologie ". Qu'ils viennent de LRM ou du MoDem.
Faire contrepoidsLors de sa création, ce pôle sera composé de " quatre ou cinq " députés macronistes de sensibilité écologiste – dont Guillaume Vuilletet (Val-d'Oise) – avec l'ambition de s'agrandir par la suite. L'objectif est le même que pour le pôle social. " Nous allons débattre et échanger pour voir comment peser sur les politiques publiques par le prisme d'une écologie progressiste ", explique M. Lambert. A l'instar de Mme Bourguignon, il jure se situer " dans une démarche constructive ", sans avoir l'intention de constituer un groupe de frondeurs. L'émergence de ces deux pôles vise à pousser des thématiques (justice sociale et environnement), jugées pas assez mises en avant. Avec l'idée aussi de faire contrepoids, en interne, à un petit groupe de députés influents de la commission des finances de l'Assemblée, qui défend des réformes libérales sur le plan économique. Une sorte de " pôle libéral " informel, composé d'élus actif lors de l'examen du budget.
On y trouve la députée de l'Essonne, Amélie de Montchalin, coordinatrice du groupe LRM à la commission des finances, ou sa collègue de Paris Olivia Grégoire – sur lesquels les ministres issus du parti Les  Républicains, Bruno Le Maire (économie) et Gérald Darmanin (comptes publics) se sont appuyés ces derniers mois, afin de défendre la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou des mesures pro-entreprises.
" L'idée, c'est de mieux structurer nos propositions sur l'écologie pour nous faire davantage entendre à côté de ceux qui ont une vision plus libérale sur les sujets de l'agriculture et de l'énergie. Cela permettra de rééquilibrer la politique menée ", souligne M. Lambert. " Notre groupe veut exister pour ne pas laisser la seule initiative à des groupes plus conservateurs, qui poussent des mesures plutôt classées à droite ", abonde le député LRM issu du PS Jean-Louis Touraine (Rhône), qui fait partie des piliers du " pôle social ".
En interne se joue donc une lutte d'influence entre des sous-groupes représentant l'aile gauche et l'aile droite de la majorité. Loin des affirmations des prophètes du macronisme, assurant que le clivage gauche-droite ne structure pas les débats au sein du groupe LRM.
La naissance de ces pôles idéologiques risque-t-elle de faire émerger à terme des frondeurs, comme ce fut le cas lors du précédent quinquennat ? Le président du groupe, Richard Ferrand, assure ne pas le craindre. " Que des députés se rassemblent pour discuter par affinités, politiques ou par thèmes, qu'ils veuillent approfondir tel ou tel aspect, cela ne m'inquiète pas ", affirme-t-il, y voyant une " nécessaire respiration intellectuelle ou démocratique " au sein d'un groupe aussi nombreux. Prudent, il rappelle toutefois la règle de fonctionnement du groupe : " Le débat, la réflexion, l'enrichissement, les colloques, les confrontations d'idées, et ensuite le travail en commun, et l'unité dans l'action et dans le vote. "
" Le groupe n'est pas tenu "Certains élus LRM y voient, eux, l'illustration d'un manque d'investissement de M. Ferrand pour encadrer ses troupes. " Comme le groupe n'est pas tenu, beaucoup ont décidé de s'autogérer, en s'organisant par affinités et par sensibilités ", observe un poids lourd de la majorité, pour qui " cette fragmentation représente un risque pour la cohésion du groupe ". En particulier si des sujets sensibles mettent en lumière les différences d'approche. Cela a  justement été le cas, ces dernières semaines, sur la politique migratoire de l'exécutif.
S'il n'a pas suscité la création de pôles idéologiques structurés, le débat autour du projet de loi asile-immigration et sur la circulaire visant à recenser les migrants dans les centres d'hébergement d'urgence a fait émerger des différences de sensibilité. D'un côté, on retrouve les tenants de la fermeté, qui soutiennent mordicus l'action du ministre de l'intérieur, Gérard Collomb. Parmi eux figurent deux députées issues de LR, Marie Guévenoux et Aurore Bergé, ainsi que l'ex-patron du RAID, l'unité d'intervention de la police nationale, Jean-Michel Fauvergue ou encore Elise Fajgeles.
En face se trouvent ceux qui insistent sur la nécessité de mieux prendre en charge les migrants, tels l'ex-écologiste, Matthieu Orphelin, ainsi que les ex-socialistes Jean-Michel Clément et Brigitte Bourguignon, dans la foulée de la sortie critique de Sonia Krimi, le 19 décembre 2017, lors des questions au gouvernement. " Il y a des sensibilités différentes au sein du groupe, observe Jean-Michel Clément. Nous avons en partage la volonté de soutenir le président de la République mais dans les exercices pratiques, nous pouvons avoir des nuances. "
Alexandre Lemarié

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