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vendredi 2 février 2018

Des Iraniennes défient le pouvoir en retirant leur voile en public


2 février 2018

Des Iraniennes défient le pouvoir en retirant leur voile en public

Une jeune femme, arrêtée à Téhéran le 29 janvier, risque deux mois de prison. Son geste est imité dans d'autres villes

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Un grand coffre de métal abritant des installations électriques, dans le centre de Téhéran, au croisement des avenues Enghelab et Vesal, est devenu ces derniers jours le symbole improbable d'un mouvement politique. Le 29  janvier à 11  heures, après d'épaisses chutes de neige, une jeune femme y est montée, elle a ôté son voile blanc et l'a noué à un bâton, qu'elle a agité dou-cement, laissant sa chevelure flotter librement au vent.
Elle protestait contre le port obligatoire du voile dans la République islamique. Au poignet, elle portait un ruban vert, couleur du mouvement qui avait contesté, en  2009, la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Elle a été arrêtée, et son nom publié quelques heures plus tard : Narges Hosseini.
Une photographie de son geste a circulé sur les réseaux sociaux et très vite, ailleurs dans la capitale, d'autres femmes l'ont imitée avec des foulards noir et rouge. Le lendemain, un jeune homme est monté à son tour sur le même coffre, brandissant un foulard blanc. Le 31  janvier, les internautes iraniens ont été plus surpris encore en voyant la photographie d'une jeune femme, montée elle aussi sur un bloc électrique dans la ville très religieuse de Machhad (nord-est). Elle portait le tchador noir -revêtu par les femmes les plus traditionnelles en Iran. L'image a marqué : même parmi le public religieux, certaines femmes sympathisent avec celles qui luttent contre le voile obligatoire.
Depuis l'instauration de la République islamique, en  1979, les femmes sont tenues de se couvrir tout le corps, sauf le visage et les mains. Une police des mœurs arrête régulièrement dans les rues les " mal-voilées ", les emmenant au poste, où elles sont photographiées comme des criminelles, et parfois condamnées à payer une amende.
Les Iraniennes qui se dévoilent publiquement depuis le 29  janvier, en montant sur des blocs électriques, reprennent le geste de la jeune Vida Movahed, le 27  décembre 2017. Téhéranaise et mère d'un bébé, Mme  Movahed avait mis en scène son action selon des codes définis par des activistes de la diaspora iranienne aux Etats-Unis, qui invitent les Iraniennes à protester contre le port du voile. Arrêtée sur-le-champ, elle a été relâchée deux semaines plus tard. On ignore si elle est poursuivie en justice.
Guerre de communicationAu lendemain de son action, une vague de manifestations contre la stagnation économique et politique du pays avait déferlé dans au moins 80 villes iraniennes, faisant 25 morts en une semaine. Une photographie de Vida Movahed, diffusée les jours suivants, s'est imposée comme un symbole de ce mouvement, bien que sa reven-dication n'eût pas grand-chose à voir avec celles des manifestants.
Selon Nasrin Sotoudeh, avocate et militante des droits de l'homme, Narges Hosseini reste incarcérée. Une caution de 90 000  euros a été fixée pour sa libération. " Sa famille a été incapable de payer cette somme. Pour le moment, elle reste en prison à -Chahr-e-Rey ", au sud de Téhéran, selon Mme  Sotoudeh. L'avocate rappelle qu'une femme arrêtée pour s'être dévoilée en public risque une peine de prison de dix jours à deux mois, ou une amende pouvant s'élever à 10  euros.
Depuis son élection, en  2013, le président modéré Hassan Rohani s'exprime régulièrement en faveur des droits des femmes. Dans un geste d'ouverture envers l'électorat libéral, en décembre  2017, la police de Téhéran avait annoncé la fin des arrestations de femmes mal voilées par la brigade des mœurs. Si cette directive est appliquée, les contrevenantes devront suivre des cours sur les bienfaits du port correct du voile.
Cette mesure s'inscrivait dans une guerre de communication entre l'Iran chiite et son grand rival régional, l'Arabie saoudite. Le royaume sunnite a récemment autorisé les Saoudiennes à assister aux matchs d'équipes masculines de football dans les stades, une revendication ancienne des Iraniennes. Ces dernières " ont l'impression qu'en une nuit, les Saoudiennes les ont devancées ", explique Pegah, une Téhéranaise de 34 ans. Depuis le 31  janvier, une voiture de police stationne en permanence à côté du coffret électrique de l'avenue Enghelab, à Téhéran.
Ghazal Golshiri
© Le Monde

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