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mercredi 28 février 2018

SNCF : les syndicats tentent d'organiser la riposte au plan gouvernemental


28 février 2018

SNCF : les syndicats tentent d'organiser la riposte au plan gouvernemental

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 L'annonce, par le premier ministre, de la modification du statut des cheminots par voie d'ordonnances a provoqué la colère des centrales
 Toutes ont appelé à la grève, mais en ordre dispersé. Une réunion intersyndicale était prévue mardi, dans le but de coordonner l'action
" Je ne me situe pas dans une logique de bras de fer " : Edouard Philippe a voulu rassurer les salariés, tout en souhaitant mener à terme la réforme
 La ministre du travail a différé les arbitrages de la formation professionnelle, sujet sensible pour les partenaires sociaux
P. 11, enquête P. 15 et Cahier éco – P. 3
© Le Monde

Les syndicats de la SNCF et du public préparent leur riposte

 Le climat social se tend à la SNCF et dans la fonction publique. Laurent Berger (CFDT) fustige la " méthode Macron "

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En annonçant, lundi 26  février, le recours aux ordonnances pour réformer la SNCF et la fin du statut des cheminots pour les nouvelles recrues de l'entreprise publique, le premier ministre, Edouard Philippe, devait s'attendre à une vive réaction des syndicats. Elle n'a pas manqué. La CGT, l'UNSA, SUD-Rail et la CFDT, les quatre organisations représentatives à la SNCF, ont prévu de se réunir en intersyndicale dès mardi. L'UNSA, deuxième syndicat de l'entreprise, a indiqué qu'elle proposera une grève avant la journée d'action du 22  mars dans la fonction publique. Elle fait écho à la CFDT-Cheminots qui, bien que non associée à cette mobilisation, a souhaité " appeler à une grève reconductible à partir du 12  mars ", selon son secrétaire général, Didier Aubert. " L'important est d'être unitaires ", a ajouté Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD-Rail, qui voit dans les annonces gouvernementales une volonté de -" casser du cheminot ", de " casser l'entreprise publique et creuser les inégalités entre tous les Français ".
Dans un entretien au journal Les Echos, à la tonalité très critique à l'égard de la " méthode Macron ", le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a fustigé le recours aux ordonnances pour la SNCF. S'il se dit prêt à discuter des conditions de l'ouverture à la concurrence ou de l'évolution de la gouvernance du groupe ferroviaire, il estime que " les difficultés de l'entreprise ne peuvent se résoudre au statut des cheminots, après des années de sous-investissement ".
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Guy Dutheil et Benoît Floc'h



28 février 2018

Le climat social s'alourdit dans la sphère publique

Le recours aux ordonnances pour réformer la SNCF est critiqué par tous les syndicats. Une unanimité rare

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" Oui l'entreprise doit évoluer, mais avec les cheminots, pas -contre les cheminots ", insiste -Laurent Berger, ajoutant qu'il ne laissera " personne cracher à la figure des cheminots, pareil pour les fonctionnaires ".
C'est dans des termes proches que Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, syndicat non représentatif à la SNCF, a critiqué le recours aux ordonnances, susceptible selon lui " de mettre de l'huile sur le feu ". Interrogé sur Franceinfo, lundi, M.  Mailly a -dénoncé la " tentation - du gouvernement - de vouloir passer en force et de confondre vitesse et précipitation "" Est-ce que c'est le statut qui est à l'origine des 46  milliards d'euros - de dette de la SNCF ? Je ne pense pas ", s'est-il interrogé avant de dénoncer " un sous-investissement chronique -depuis des années à la SNCF ".
Est-ce parce que la mobilisation des syndicats laisse planer la menace d'un conflit de grande ampleur pour le gouvernement, toutes les organisations de conducteurs de train, et notamment du TGV, étant partie prenante à -l'intersyndicale ? Lundi soir sur France 2, Edouard Philippe s'est voulu apaisant. " Je ne vais pas au conflit. J'ai bien entendu un certain nombre de représentations des -organisations syndicales, qui -considéraient que le recours aux ordonnances, prévu par la Constitution, était un casus belli. Moi, je ne me situe absolument pas dans une logique de conflictualité, de guerre, de bras de fer. Je dis sim-plement que nous devons avancer ", a-t-il déclaré.
Fonction publique sous tension" Je ne veux pas l'enlisementCe qui est dangereux pour la SNCF, ce qui est inacceptable pour les Fran-çaises et les Français, c'est le statu quo, a insisté le premier ministre. Année après année, la qualité de service décroît. On a un système ferroviaire dans lequel, chaque année, on met de plus en plus d'argent (…) avec des résultats de moins en moins bons. "
Contestée par les syndicats, la réforme de la SNCF préparée par le gouvernement ne passe pas mieux auprès des partis politiques. Sur Twitter, Eric Coquerel, député de La France insoumise, s'insurge contre la volonté du premier ministre de " casser le statut des cheminots " et de " privatiser la SNCF ". A l'autre extrémité de l'éventail politique, -Nicolas Bay, député européen du Front national, a déploré le recours aux ordonnances. " Il participe d'une logique qui consiste à essayer de confisquer ou en tout cas de réduire le débat démocratique ", a expliqué le leadeur frontiste. Ce dernier a reconnu qu'il y avait " une nécessité de réformer le statut " des cheminots, mais il souhaite, sans plus de précisions, que soit maintenu un " statut spécifique ".
La droite, aussi, critique le projet de réforme. Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France, en a souligné les manques. " On passe à côté de l'essentiel. L'essentiel, c'est que le rapport Spinetta et ce que veut faire le gouvernement passent complètement à côté des cinq millions de passagers qui prennent le train tous les jours ", a dénoncé M. Bertand. Pour le président de région, le recours aux ordonnances, " c'est une façon pour le gouvernement de montrer ses muscles en disant : regardez, on est très courageux, mais ce n'est pas ça qui va changer les choses du jour au lendemain, et ce n'est pas ça qui nous dit comment vont être faits aujourd'hui les investissements dans la sécurité et la qualité des transports. - Là - , c'est l'impasse totale. On est avec le rapport Spinetta dans un exercice de communication. "
Dans un communiqué, le Parti socialiste accuse, lui, l'exécutif de " passer en force ", de priver le " pays d'un temps indispensable de débat démocratique " et d'adopter, " sans réserve, la vision comptable du rapport Spinetta ".
La mobilisation des cheminots intervient dans un contexte particulièrement lourd dans la sphère publique : les syndicats de la fonction publique en sont déjà à leur deuxième journée de mobilisation, prévue le 22  mars. Les cheminots avaient d'ailleurs annoncé, avant la présentation de la réforme de la SNCF, qu'ils s'y joindraient. L'intersyndicale, composée de sept syndicats sur neuf, compte sur une forte mobilisation des fonctionnaires ce jour-là pour faire reculer le gouver-nement ou, à tout le moins, le faire dévier un tant soit peu de sa route réformatrice. L'enjeu du 22  mars est d'établir un rapport de force. Ce sera donc une journée-test, voire un " crash-test ", si le résultat s'avérait par trop décevant.
Les syndicats misent sur l'accumulation des déceptions et des déconvenues. La brouille entre le gouvernement et les 5,4  millions de fonctionnaires a commencé très tôt après l'élection d'Emmanuel Macron. Les agents ont à peine digéré la promesse de campagne de supprimer 120 000 postes sur le quinquennat que, dès l'été, les mauvaises nouvelles pleuvent : le point d'indice, gelé de 2011 à 2015, l'est de nouveau à partir de 2018 ; une journée de carence est instituée pour les -congés maladie ; la hausse de la CSG, qui doit se traduire par une hausse de pouvoir d'achat pour les salariés du privé, est tout juste compensée pour les fonction-naires. Une action unitaire, la première depuis dix ans, est organisée le 10  octobre.
C'est dans ce contexte que le gouvernement a lancé, en septembre, la réforme de l'Etat. Les mesures ne sont pas encore -connues. Elles ne le seront qu'en avril. Mais l'exécutif a d'ores et déjà ouvert le chantier " fonction publique ". A l'issue d'un premier " comité interministériel de la transformation publique ", le 1er  février, le premier ministre annonce un recours accru aux -contractuels, le développement de la rémunération au mérite, la simplification des instances représentatives des personnels, un plan de départs volontaires… L'annonce produit l'effet d'une douche froide pour les syndicats de la fonction publique. Dès le 6  février, sept sur neuf (c'est-à-dire hormis la CFDT et l'Unsa) annoncent donc de nouvelles grèves et manifestations pour le 22  mars.
Aujourd'hui, les mobilisations s'entrechoquent. L'Unsa fonction publique n'appelle pas ses adhérents à participer au mouvement de mars, contrairement à l'Unsa Ferroviaire et l'Unsa Territoriaux. Ce mouvement de réforme foisonnant, qui ne devrait pas déboucher sur une grande loi " réforme de l'Etat " mais s'appliquer au fil de l'eau, peut aussi bien désorienter les opposants, comme l'espère peut-être le gouvernement, qu'aboutir à la fusion des luttes.
" Le voile tombe "C'est évidemment ce que souhaitent les syndicats. Pour l'heure, ils fourbissent leurs armes. Réunis le 21  février, ils ont de nouveau fustigé les " orientations inquiétantes "du gouvernement, appelant les agents à descendre " massivement " dans la rue le 22  mars. A la CGT, on espère que la colère va finir par lever et faire gonfler la mobilisation. " Les fonctionnaires constatent que le voile tombe. Ils se rendent compte que le président de la République et le gouvernement sont des adversaires de la fonction publique ", estime Jean-Marc Canon, secrétaire général de l'Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT.
" Le mécontentement ne se mesure pas tout le temps à l'aune du nombre de manifestants. Ce que je vois, c'est que les tensions s'accumulent dans les Ehpad, les hôpitaux, chez Carrefour, dans les prisons, la police, l'éducation, les collectivités territoriales ", a rappelé le secrétaire général de la CFDT dans Les Echos.
Guy Dutheil, et Benoît Floc'h
© Le Monde


28 février 2018

Le gouvernement s'attaque au tabou du statut des cheminots

Les droits acquis au fil des ans par les salariés entraînent une augmentation mécanique des coûts de la SNCF, met en avant l'exécutif

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Alors que la SNCF souffle ses 80 ans d'existence, ses salariés vont vivre une révolution. Lundi 26  février, le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé la fin du statut de cheminot pour les futures recrues de la société nationale. " Aux nouvelles générations, aux apprentis, à tous ceux qui veulent s'engager dans la SNCF, a prévenu le premier ministre, nous disons qu'ils bénéficieront des conditions de travail de tous les Français, -celles du code du travail. A l'avenir, à une date qui sera soumise à la concertation, il n'y aura plus de recrutement au statut. "
A l'image de l'Allemagne, qui, au mitan des années 1990, a mis fin à l'emploi à vie au sein de la -Deutsche Bahn, le gouvernement français entend mettre un terme au " RH0001 ", le référentiel de ressources humaines qui régit les relations collectives entre la SNCF et son personnel. Il fait un pas que de nombreux gouvernements précédents ont rêvé de faire, sans jamais l'oser. En  2015, celui de Manuel Valls avait bien créé une convention collective de la branche ferroviaire, qui régit l'organisation du travail (le " RH00077 "), mais s'était empressé de préciser que le statut ne serait aucunement touché.
Trois ans plus tard, le statut est sur le point de tomber, même si les cheminots actuels en profiteront jusqu'à leur départ de l'entreprise. Selon le rapport de Jean-Cyril Spinetta, remis mi-février au premier ministre, la SNCF compte quelque 145 000 salariés en France, dont 130 000 au statut. Pour l'obtenir, il faut être recruté dans l'entreprise publique avant ses 30  ans. " En supprimant le statut, on a l'impression que ce gouvernement recherche plus une réforme emblématique qu'une réforme qui atténuera les soucis de structures et d'organisation de l'entreprise ", regrette un syndicaliste de la CFDT.
Qu'est-ce que le " RH0001 " ? C'est un ensemble de droits, -garanties et avantages obtenus au fil des ans par les cheminots en contrepartie d'un travail -pénible : faire rouler ou entretenir des infrastructures vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.
" Le statut, c'est avant tout une appartenance à l'entreprise, glisse un conducteur de train. Notre -statut, c'est notre fierté. " La CGT-Cheminots  juge, pour sa part, qu'" il permet une continuité et une stabilité dans le fonctionnement du service public ".
Emploi à vieOutre l'emploi à vie, les cheminots ont droit à un déroulé de carrière garanti et peuvent partir à la retraite à partir de 52 ans pour les roulants et de 57 ans pour les sédentaires. En réalité, afin d'obtenir tous leurs trimestres de cotisations, les premiers partent en moyenne à 53,5  ans, et les autres à 57,5  ans, contre une moyenne nationale de 62,4 ans, selon la Caisse nationale d'assurance vieillesse. En outre, le calcul de la pension se fait sur les six derniers mois d'exercice et non les vingt-cinq meilleures années comme dans le privé. La réforme des retraites, promise en  2019, abordera l'avenir de ce régime spécial.
A cela, s'ajoutent quelques autres avantages : gratuité des billets de train, régime spécial de Sécurité sociale, vingt-huit jours de congés et vingt-deux dimanches non travaillés, augmentation annuelle de salaire garantie… A la SNCF, le salaire moyen est légèrement supérieur, à 3 200  euros brut, que dans le reste de la population (3 000  euros brut).
" Ces garanties et ces droits compensent des conditions difficiles. Nous sommes sur le pont les jours fériés et quel que soit le temps, rappelle un conducteur. Les horaires décalés, ce n'est pas toujours compatible avec une vie sociale épanouie. Difficile de voir sa famille ou ses amis quand on travaille la nuit ou quand on est obligé de dormir très loin de chez soi. "
Le gouvernement se dit conscient " des contraintes spéci-fiques aux métiers du ferroviaire ". Edouard Philippe promet d'ail-leurs " une discussion au niveau de la branche, sur les garanties qui seront données en contrepartie de ces contraintes et qui permettront aux métiers du ferroviaire de demeurer attractifs et de garantir une concurrence loyale entre les entreprises du secteur. "
En hissant ce sujet au niveau de la branche, le premier ministre rend un peu de compétitivité à la SNCF. Aujourd'hui, ses coûts sont en moyenne 30  % supérieurs que ses concurrents. Une des raisons ? La rigidité de la grille salariale des cheminots -entraîne une progression annuelle de la masse salariale de 2,4  %, bien plus rapide que l'inflation, tandis que le statut interdit tout plan de départs volontaires, alors que la société serait en -sureffectif – estimés à 5 000 salariés, par de Jean-Cyril Spinetta – dans certaines activités.
L'arrêt du recrutement au statut annonce cependant une longue période de transition, même si assure la SNCF, contractuels et statutaires sont régis par une même organisation du travail. D'autres entreprises publiques, comme Orange (ex-France Télécom), l'ont déjà fait. Vingt ans après l'arrêt du recrutement au statut de fonctionnaire, l'ex-entreprise publique en compte encore 45  % dans ses effectifs. " Il n'y a pas aujourd'hui de différence de traitement entre salariés de droit privé et fonctionnaires ", assure-t-on à la direction de l'entreprise publique.
" Aujourd'hui, les effectifs des deux statuts cœxistent plutôt sereinement, convient Sébastien Crozier, de la CFE-CGC d'Orange. L'harmonisation a été bénéfique quand elle a été faite progressivement, et ce dans un contexte de croissance importante du chiffre d'affaires, grâce aux dévelop-pements des nouvelles technologies. En revanche, quand l'ancien PDG Didier Lombard a mis en place un plan de réforme à marche forcée, cela a été un véritable désastre humain et financier. " La SNCF est prévenue.
Philippe Jacqué
© Le Monde

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