Qui est l'arroseur, qui est l'arrosé ? Difficile à dire à l'issue du vaudeville qui s'est achevé mercredi 16 mai au soir au Palais du Luxembourg, car les sénateurs, comme le gouvernement, en sont tous sortis douchés.
Les parlementaires examinaient une proposition de loi des communistes proposant de revaloriser les faibles pensions de retraite agricole. Subtilité rare : un vote pour aurait provoqué son adoption définitive. Nul besoin pour ce texte de repasser par l'Assemblée : celle-ci l'avait déjà adopté… mais sous la précédente mandature. Un héritage de la majorité socialiste, dont le gouvernement actuel se serait volontiers passé, la mesure coûtant la bagatelle de 400 millions d'euros. Les communistes proposaient ni plus ni moins de le financer par une hausse de la taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières.
SabordageDès l'examen à l'Assemblée nationale en février 2017, le ministre de l'agriculture d'alors, le socialiste Stéphane Le Foll, avait admis que ce mode de financement méritait d'être rediscuté.
" Sans doute le débat est-il inachevé ", précisait-il, à quelques semaines de l'élection présidentielle et de l'arrivée d'une nouvelle majorité à qui il allait transmettre le bébé. Il avait néanmoins donné aux sénateurs les clés pour embarrasser le nouveau gouvernement puisqu'ils avaient ainsi les moyens de faire adopter le texte. Ce qu'ils ont tenté une première fois le 7 mars.
Pour l'empêcher, le gouvernement disposait d'une option, brandie dès le mois de mars : le recours au vote bloqué. Cette procédure permet à l'exécutif de demander qu'un texte soit adopté en incluant obligatoirement et uniquement les modifications souhaitées par le gouvernement. Habilement, Agnès Buzyn avait posé un amendement, lequel reportait l'entrée en vigueur du dispositif en 2020, soit après l'adoption de la réforme des retraites attendue en 2019. Cette décision avait déclenché l'ire des sénateurs, qui y ont vu un nouvel empiétement de l'exécutif sur les pouvoirs du Parlement. Le débat avait alors été interrompu et renvoyé à mercredi.
Dans l'intervalle, le gouvernement n'a pas changé sa position. Mercredi soir, les sénateurs ont donc été contraints au sabordage : opposés à la proposition du gouvernement ils ont largement voté contre le texte et donc contre la revalorisation des retraites agricoles. La ministre en est toutefois sortie dans ses petits souliers. En prenant cette décision, l'exécutif a alimenté lui-même deux critiques récurrentes depuis le début du quinquennat. Celle d'un gouvernement qui
" méprise la ruralité "d'une part et qui
" méprise le Parlement " d'autre part, ont asséné les sénateurs de tout bord mercredi soir. Un partout, la balle au centre. Et les petites retraites agricoles attendront.
Manon Rescan
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