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samedi 19 mai 2018

En Turquie, " Recep Tayyip Erdogan a installé un régime absolutiste "


18 mai 2018

En Turquie, " Recep Tayyip Erdogan a installé un régime absolutiste "

L'islamo-conservateur Temel Karamollaoglu a réussi à s'allier à trois autres partis d'opposition pour contrer l'AKP aux législatives du 24 juin

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ESCALADE ENTRE LA TURQUIE ET ISRAËL
L'ambassadeur d'Israël en Turquie, sommé par Ankara de partir provisoirement, a quitté le pays, jeudi 17 mai, sous l'œil attentif des caméras de la télévision nationale. Depuis que l'armée -israélienne a tué une soixantaine de Palestiniens, lundi à Gaza, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a multiplié les dénonciations d'Israël, qu'il accuse de conduire un " génocide ". Il a également estimé que le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, était à la tête d'un " Etat d'apartheid " et avait du " sang " sur les mains. Il a condamné ce qu'il considère être un silence de la communauté internationale face à la " tyrannie israélienne ". M. Nétanyahou a répondu qu'il n'avait pas de " leçons de morale " à recevoir du chef de l'Etat turc : " Il ne fait aucun doute qu'il comprend -parfaitement le terrorisme et les massacres ", a-t-il déclaré.
Cinq candidats affronteront le président turc, Recep Tayyip Erdogan, au premier tour de la présidentielle du 24  juin. Contre toute attente, -Temel Karamollaoglu, 77 ans, un pionnier de l'islam politique en Turquie, est l'un d'eux.
Il est urgent, à ses yeux, que la Turquie change de cap :" Si nous laissons le pays entre les mains de  ceux qui le gouvernent aujourd'hui, nous ne parviendrons plus à le redresser. " Inquiet de " la disparition de l'Etat de droit ", il assure au Monde que le moment est venu de dire " au cruel sultan qu'il est injuste ".
Non seulement l'homme est candidat à la présidentielle, mais le Parti de la félicité (Saadet partisi, SP, islamo-conservateur) qu'il dirige va faire des listes communes avec trois autres formations d'opposition – lesrépublicains du CHP (centre gauche), les nationalistes du Bon Parti, les conservateurs du Parti démocrate – lors des législatives qui auront lieu le même jour. Malgré sa faible audience – moins de 1  % des votes aux législatives de 2015 –, le SP reste courtisé pour sa capacité à attirer les voix des électeurs pieux, turcs et kurdes, déçus par le régime de M.  Erdogan.
Les chances de M. Karamollaoglu d'accéder à la fonction -suprême semblent réduites, et son parti ne comptera que quelques députés au Parlement, mais leur ralliement à l'opposition vient bousculer l'idée selon laquelle celle-ci est incapable de s'organiser. C'est la première fois en seize ans que quatre partis parviennent à s'entendre pour des listes communes aux législatives, au risque de faire perdre à l'AKP sa majorité parlementaire.
Mêmes racines idéologiquesA l'origine, M. Karamollaoglu et son parti possèdent les mêmes racines idéologiques que le président et son Parti de la justice et du développement (AKP). Ils sont des islamo-conservateurs issus du mouvement Milli Görüs (" vision nationale "), la matrice de l'islam politique turc. Mais la vieille garde se rebelle aujourd'hui.
Le SP aurait pu rallier le camp du pouvoir, l'AKP lui ayant proposé d'entrer dans la coalition islamo-nationaliste qu'il a formée avec le parti MHP (extrême droite) pour les élections. Il a préféré rejoindre le front anti-Erdogan. Il existe une bonne raison à cela." A son arrivée au poste de premier ministre en  2003, Recep Tayyip Erdogan avait deux mots à la bouche : -justice et liberté. Pour finir, il a installé un régime absolutiste, lui seul -décide de tout. Il a divisé la société comme jamais. Enfin, il a favorisé la mise en place d'un système de rente qui a fini par mettre l'économie nationale par terre ", explique Temel Karamollaoglu.
Son parti ne se sent aucune affinité avec l'AKP, dont il dénonce le clientélisme : " Recep Tayyip Erdogan et ses partisans se sont emparés des meilleurs bâtiments, des meilleurs terrains. Le moindre bout de terre est devenu constructible. A la faveur de cette rente immobilière, lui et ses adeptes se sont enrichis, c'est sûr, mais l'Etat s'est appauvri. Ça n'est pas ainsi que l'on crée de la valeur ajoutée. "
Barbe blanche bien taillée, costume gris, cet ancien ingénieur du textile formé en Grande-Bretagne n'a pas de mots assez durs pour condamner le système absolutiste mis en place par le numéro un turc. " Il n'y a plus aucun mécanisme de contrôle sur ce que fait le gouvernement, plus de transparence du tout. Autrefois, nous avions la Cour des comptes et la Chambre des audits. Elles étaient efficaces, jusqu'à ce que le gouvernement les réunisse en une seule chambre qui ne fonctionne plus. Avec ce genre de gouvernance, comment voulez-vous que le pays progresse ? " Il dit son regret de voir la politique étrangère transformée en " outil au service de la politique interne ". Le résultat est là : " La Turquie n'a de bonnes relations avec personne. "L'opposant souhaite une diplomatie équilibrée. " Invectiver -Angela Merkel peut faire gagner des points auprès de l'électorat, mais cela ne résout pas les problèmes. " Avec l'Union européenne, la perspective d'un partenariat privilégié n'est pas à négliger. " Nous sommes prêts à en discuter ", assure-t-il.
Il juge " absurde " la décision des autorités de maintenir en détention le leader kurde Selahattin -Demirtas, candidat à la présidentielle lui aussi. " D'un côté, le Haut Conseil électoral officialise la candidature de Demirtas à la présidentielle, de l'autre côté, il est maintenu en préventive. La logique voudrait qu'il soit libéré pour pouvoir faire campagne. C'est ce que nous réclamons. "
Soucieux de séduire l'électorat kurde conservateur, le SP paraît favorable à " la reconnaissance de l'identité kurde ". Cette minorité, qui représente entre 15 % et 20 % de la population totale, " veut voir ses droits fondamentaux garantis par l'Etat, notamment le droit de parler et d'enseigner sa langue maternelle ", souligne le président du parti islamiste.
Marie Jégo

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