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samedi 19 mai 2018

Le calvaire de trois opératrices du SAMU de Strasbourg accusées à tort


18 mai 2018

Le calvaire de trois opératrices du SAMU de Strasbourg accusées à tort

Un Tweet avait désigné ces trois femmes comme étant celles ayant répondu avec dédain à Naomi Musenga avant sa mort

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Trois photographies et un appel à la mort. Dans un message posté jeudi 10  mai, un utilisateur du réseau social Twitter divulgue les coordonnées de trois personnes présentées comme les opératrices du SAMU ayant répondu avec dédain à Naomi Musenga, quelques heures avant que la jeune femme meure. Nom, prénom, adresse, téléphone : aucune information personnelle n'est épargnée. Il y a, aussi, les clichés de leurs enfants, au visage non flouté. " N'hésitez pas à la contacter pour lui souhaiter de mourir très vite ", conclut le message partagé par milliers.
La vie de trois opératrices du SAMU n'ayant rien à voir avec l'affaire Musenga bascule alors dans l'horreur. Les appels à la mort -succèdent aux insultes. Le soir, deux individus menaçants rôdent autour du domicile de -Céline F. Le lynchage signe l'arrêt de sa vie d'avant. La jeune femme déménage, loin, en catastrophe. Et déscolarise ses deux enfants, craignant pour leur vie. " Ils n'iront pas à l'école avant septembre ",glisse-t-elle au Monde.
Traumatisée par le cataclysme, elle décide de ne plus jamais exercer la profession qui fut la sienne pendant cinq ans. " On fait du quarante appels de l'heure et, quand on arrive à faire deux pauses pipi dans la journée, on est -content. On ne peut plus travailler dans ces conditions. " Que fera-t-elle, alors, quand son congé pour accident professionnel prendra fin et que le flot des insultes se sera tari ? " Je ne sais pas. Depuis cette histoire, je vis dans le flou. "
" On me souhaite de mourir "Sylvie L. a, elle aussi, vu chavirer son existence après que son nom a été jeté en pâture sur les réseaux sociaux. Au téléphone, la voix de cette femme, qui n'est pas celle de l'opératrice qui a reçu l'appel de Naomi Musenga, se brise. " Je dors deux heures par nuit, je me réveille en pleurs, je suis au bout du rouleau. J'ai 57 ans, mon mari ne veut pas que je sorte seule – il a peur, lui aussi. Je ne sais pas comment je tiendrai le coup. On ne peut pas sortir indemne de ces calomnies. " Pour résister et tenir, Sylvie continue à aller, tous les jours, travailler à l'hôpital. " Continuer ce boulot, c'est la seule chose qui me permette de tenir et de ne pas m'effondrer. "
Emilie L. non plus n'a rien à voir avec le drame. Mais des milliers de messages, sur Internet, l'accablent. " On me souhaite de mourir carbonisée dans ma voiture, d'être séquestrée, battue à mort, de crever comme un animal ", égrène-t-elle. " On me traite de fasciste, on me dit que la haine se lit sur mon visage. " Depuis la publication de ses photos, Emilie L. ne dort plus et vit dans la peur. " J'ai dû prendre des médicaments, je n'avais plus le choix. Je suis terrifiée ", lâche-t-elle dans un sanglot.
Trois jours après le début de la tempête, elle amorçait une tentative de vie normale en allant, comme tous les dimanches, manger un hamburger au restaurant avec son compagnon et sa petite fille. Reconnue par des clients, elle a été pointée du doigt. Depuis, prisonnière en sa propre maison, elle ne sort plus. Le déferlement a eu raison de son amour du métier. " Je n'ai plus envie d'exercer ce boulot que j'aime tant. J'ai toujours bataillé pour être une fille droite, juste, -indépendante, serviable. Tout ça pour être écrasée comme une merde. Tout ça pour une faute que je n'ai pas commise. "
Emilie L., Sylvie L. et Céline F. ont porté plainte auprès de la gen-darmerie. On ignore toujours l'identité de la personne qui, en un Tweet, a bouleversé leur vie.
Anne-Sophie Faivre Le Cadre
© Le Monde

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