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samedi 19 mai 2018

Les architectes farouchement opposés à la loi ELAN


18 mai 2018

Les architectes farouchement opposés à la loi ELAN

Mobilisés contre le texte, ils s'inquiètent de l'état de détérioration du logement en France

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Trois mois que les archi-tectes regimbent, signent des pétitions à tour de bras et autres lettres au premier ministre et au président de la République. Farouchement opposés à la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), dont ils redoutent les -conséquences en matière de qualité architecturale et sur le cadre de vie, ils ont rallié à leur cause nombre d'élus, de bailleurs sociaux, de maîtres d'ouvrage, d'associations pour le droit au logement ou la défense des personnes handicapées… Ils ont été reçus à l'Elysée, entendus le 18  avril par la commission culture du Sénat, mais aucune garantie ne leur a été donnée. Ils organisaient donc, jeudi 17  mai, une journée de -mobilisation nationale qui prévoyait tables rondes, visites de -logement et prises de parole publiques sur tout le territoire.
Présentée le 4  avril en conseil des ministres afin de créer un " choc d'offre " dans la construction de logement, la loi ELAN sera soumise aux parlementaires dans le cadre d'une procédure d'urgence à partir de la fin du mois de mai. Sous sa forme actuelle, elle libère le secteur du logement social de l'obligation de concours architectural, dispense les maîtres d'ouvrage de certaines obligations de la loi MOP de 1985 qui régit leurs rapports avec les maîtres d'œuvre, rend consultatif – et non plus contraignant – l'avis des architectes des bâtiments de France (ABF)… " C'est “open bar” pour les promoteurs, résumeChristine Leconte, présidente de l'ordre des architectes d'Ile-de-France. Le risque de voir les -architectes disparaître du processus de fabrication, comme c'est déjà largement le cas dans le secteur privé, est réel. "
La loi ELAN intervient dans un contexte de réduction continue de la commande aux architectes. Selon l'étude Archigraphie 3 du conseil national de l'ordre des architectes (CNOA), qui impute cette baisse à des facteurs -conjoncturels, elle aurait chuté de 14  % en volume et 12  % en valeur entre 2011 et 2015. Mais la mobilisation dépasse le cadre corporatiste. Elle vise à alerter sur les liens entre architecture, cadre de vie et tissu social, sur l'état de -dégradation déjà avancé du logement en France, et ce, au moment même où le rapport Borloo sur les banlieues appelle à réparer les dégâts de la politique des grands ensembles des années 1960 et 1970. Soit à rappeler les fondamentaux de la loi de 1977 qui, en réaction à ce même désastre, a fait de l'architecture une question d'intérêt général.
L'architecture est affaire d'espace, de lumière, d'environnement, souligne Christine Leconte. Elle fabrique notre intimité et, de là, le vivre-ensemble. Elle est là pour empêcher que l'on construise, par souci d'économie, ces cages d'escalier toutes sombres que les mères de famille refusent d'emprunter. C'est fragile… Cela doit être porté par la puissance publique. C'est ce que défendait le candidat Emmanuel Macron lorsqu'il était en campagne l'année dernière. "
" Dégradation des paysages "Dans le dossier " spécial présidentielle " publié en mars 2017 par L'Architecture d'aujourd'hui, celui qui n'était pas encore chef de l'Etat déclarait vouloir " replacer l'architecte au cœur des processus de création de nos villes, lui rendre sa capacité à inventer, en faire à nouveau un acteur du progrès et de l'amélioration de nos cadres de vie ". Faute d'avoir reçu le moindre signe en ce sens, les jeunes architectes en formation HMONP (habilitation à exercer la maîtrise d'œuvre en son nom propre) à l'Ecole nationale -supérieure d'architecture de Lyon ont écrit une lettre à la ministre de la culture, Françoise Nyssen, le 27  avril, demandant des Etats généraux de la profession.
Nous ne participerons pas à cette dégradation des paysages, à la construction de ces zones monofonctionnelles sans âme, écrivent-ils en préambule à une liste de dix questions aux allures de cahier de doléances. Nous ne dessinerons plus ces logements indignes pour des honoraires dévalués dans lesquels aucun d'entre nous n'a le désir d'habiter, ni ces bâtiments devenus des assemblages de produits génériques qui détruisent les savoir-faire et l'économie locale de notre pays. " La ministre n'a pas encore répondu. Mais la missive, transformée en " Appel de Lyon " sur le site Change.org, a recueilli près de 6 000 signatures.
Isabelle Regnier
© Le Monde

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