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vendredi 18 mai 2018

Les Crises.fr - S’en prendre à la Russie, par Paul Fitzgerald et Elizabeth Gould (1/2)

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18.mai.2018 // Les Crises



S’en prendre à la Russie, par Paul Fitzgerald et Elizabeth Gould (1/2)


Dans cette première d’une série en deux parties, Paul Fitzgerald et Elizabeth Gould retracent les origines du ciblage néoconservateur de la Russie.
Le magazine allemand Der Spiegel a rapporté en septembre dernier que « Stanley Fischer, 73 ans, vice-président de la Réserve fédérale américaine, connaît bien le déclin des riches de ce monde. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le protectorat britannique de Rhodésie… avant d’aller à Londres au début des années 1960 pour ses études universitaires. Là-bas, il a vécu en direct le démantèlement de l’Empire britannique… Maintenant citoyen américain, Fischer est en train de voir une autre grande puissance prendre congé de la scène mondiale…. les États-Unis perdent leur statut de puissance hégémonique mondiale, a-t-il dit récemment…. Le système politique américain pourrait entraîner le monde dans une direction très dangereuse… »
Avec l’effondrement de l’Union soviétique en 1991 et la création de la Doctrine Wolfowitz en 1992 sous l’administration de George Herbert Walker Bush, les États-Unis ont revendiqué le flambeau de la première et unique puissance unipolaire du monde avec l’intention d’écraser toute nation ou système qui s’y opposerait à l’avenir. Le nouvel ordre mondial, prévu il y a quelques années à peine, devient de jour en jour plus désordonné, aggravé par des degrés divers d’incompétence et d’avidité émanant de Berlin, Londres, Paris et Washington.
Signe supplémentaire des secousses sismiques en cours, au moment où l’interview de Fischer est apparue dans la version en ligne du Der Spiegel celui-ci avait déjà annoncé sa démission en tant que vice-président de la Réserve fédérale – huit mois avant la date prévue. Si quelqu’un est au courant du déclin et de la chute des empires, c’est le « mondialiste » et ancien président de la Banque d’Israël, Stanley Fischer. Non seulement il a fait l’expérience du démantèlement de l’Empire britannique lorsqu’il était jeune étudiant à Londres, mais il a aussi participé directement au démantèlement total de l’Empire soviétique dans les années 1990.
En tant que produit avoué de l’Empire britannique et homme de confiance pour ses objectifs impériaux à long terme, cela fait de Fischer non seulement l’ange de la mort de l’empire, mais aussi son chiffonnier.
Aux côtés d’une poignée d’économistes de Harvard dirigés par Jonathan Hay, Larry Summers, Andrei Shleifer et Jeffry Sachs, dans le « Harvard Project », plus Anatoly Chubaïs, le principal conseiller économique russe, Fischer a contribué à plonger 100 millions de Russes dans la pauvreté du jour au lendemain – en privatisant ou, comme certains diraient, en piratant – l’économie russe. Pourtant, les Américains n’ont jamais eu la vraie histoire parce qu’un récit anti Russie partial a couvert la vraie nature du vol du début à la fin.
Comme le décrit Janine R. Wedel, spécialiste des politiques publiques et anthropologue, dans son livre Shadow Elite [les élites de l’ombre] de 2009 : « Présenté en Occident comme une lutte entre les réformateurs des Lumières essayant de faire avancer l’économie par la privatisation, et les Luddites rétrogrades qui s’y sont opposés, cette histoire a déformé les faits. L’idée ou le but de la privatisation n’était pas controversé, même parmi les communistes… le Soviet suprême russe, un organisme communiste, a adopté deux lois jetant les bases de la privatisation. L’opposition à la privatisation était enracinée non pas dans l’idée elle-même, mais dans le programme de privatisation mis en œuvre, dans la manière opaque dont il a été mis en place et dans l’utilisation du pouvoir exécutif pour contourner le parlement. »
Intentionnellement mis en place pour faire échouer la Russie et le peuple russe sous le couvert d’un faux récit, elle poursuit : « Le résultat a fait de la privatisation “une fraude de facto”, comme l’a dit un économiste, et le comité parlementaire qui avait jugé que le plan Chubaïs pour “offrir un terrain fertile pour les activités criminelles” s’était révélé vrai. »
Fischer : Fruit de l’Empire britannique.
Si Fischer, un homme qui a contribué à la création d’une escroquerie de privatisation criminelle dans la Russie post-empire, dit que les États-Unis sont sur une voie dangereuse, le moment est venu pour les Américains post-empire de se demander quel rôle il a joué pour mettre les États-Unis sur cette voie dangereuse. Le brutal traumatisme imposé par Fischer et le projet « prestigieux » de Harvard à la Russie sous la direction de Boris Eltsine dans les années 1990 est peu connu des Américains. Selon James Carden du magazineThe American Conservative, « Comme l’a noté le Center for Economic and Policy Research en 2011… “l’intervention du FMI en Russie pendant le mandat de Fischer a conduit à l’une des pires pertes de productivité de l’histoire, en l’absence de guerre ou de catastrophe naturelle”. En effet, un observateur russe a comparé les conséquences économiques et sociales de l’intervention du FMI à ce que l’on verrait à la suite d’une attaque nucléaire de niveau moyen ».
La plupart des Américains ne savent pas non plus que c’est le conseiller du président Jimmy Carter en matière de sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, qui, dans les années 1970, a élaboré le grand plan de conquête du cœur de l’Eurasie qui a fait boomerang pour terroriser l’Europe et l’Amérique au XXIe siècle. Brzezinski a passé une grande partie de sa vie à saper l’Union soviétique communiste et a passé le reste de sa vie à s’inquiéter de sa résurgence en tant qu’empire tsariste sous Vladimir Poutine. Il pourrait être injuste de dire que haïr la Russie était sa seule obsession. Mais une plaisanterie courante au cours de son mandat d’officier supérieur de la sécurité nationale du président était qu’il ne pouvait pas situer le Nicaragua sur une carte.
Brzezinski : Plan directeur pour la domination américaine
Si quelqu’un a fourni le plan pour que les États-Unis gouvernent dans un monde unipolaire après l’effondrement de l’Union soviétique, c’est bien Brzezinski. Et si l’on peut dire que quelqu’un représente le système financier fondé sur la dette qui a alimenté l’impérialisme post-vietnamien aux États-Unis, c’est Fischer. Son départ aurait dû faire frissonner tous les néoconservateurs. Leur rêve d’un nouvel ordre mondial s’est une fois de plus arrêté aux portes de Moscou.
Chaque fois que l’épitaphe abrégée du siècle américain [expression pour caractériser la domination politique, économique et culturelle des États-Unis au cours du XXe siècle, NdT] sera écrite, il sera sûr qu’elle mettra en vedette le rôle emblématique que les néoconservateurs ont joué dans l’accélération de sa disparition. Du chaos créé par le Vietnam, ils se sont mis au travail en restructurant la politique américaine, la finance et la politique étrangère à leurs propres fins. Dominé au début par les sionistes et les trotskystes, mais dirigé par l’establishment anglo-américain et leurs élites du renseignement, l’objectif des néoconservateurs, en collaboration avec leurs partenaires néolibéraux de l’École de Chicago, était de déconstruire l’État-nation par la cooptation culturelle et la subversion financière et de projeter le pouvoir américain à l’étranger. Jusqu’à présent, ils ont connu un succès écrasant au détriment d’une grande partie du monde.
De la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 1980, l’accent a été mis sur l’Union soviétique, mais depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, l’accent a été mis sur le démantèlement de toute opposition à leur domination mondiale.
Capitalisme du Pentagone
La finance louche, les mésaventures impériales et le néoconservatisme vont de pair. Les fondateurs de la CIA se considéraient comme des partenaires dans cette entreprise et l’industrie de la défense les a accueillis à bras ouverts. R.T. Naylor, économiste de l’Université McGill, auteur de Hot Money and the Politics of Debt [capitaux spéculatifs et politique de la dette] de 1987, a décrit comment le « Capitalisme du Pentagone » avait rendu possible la guerre du Vietnam en vendant la dette du Pentagone au reste du monde.
« En effet, les marines américains avaient remplacé les convoyeurs de Meyer Lansky[Meyer Lansky, décédé en 1983, était un mafieux américain, associé de la famille Luciano,NdT] et les banques centrales européennes ont arrangé le “blanchiment” », écrit Naylor. « Lorsque le mécanisme a été expliqué au regretté [néoconservateur] Herman Kahn – le sauveteur du chef du think tank de l’époque et un homme qui a popularisé l’idée qu’il était possible de sortir avec le sourire d’une conflagration mondiale – il a réagi avec un plaisir manifeste. Kahn s’est exclamé avec enthousiasme : “Nous avons réussi la plus grande escroquerie de l’histoire ! Nous avons court-circuité l’Empire britannique ». En plus de leur noyau d’intellectuels ex-trotskystes, les premiers néoconservateurs pouvaient compter parmi leurs rangs des personnalités telles que James Burnham, le père de la Guerre froide Paul Nitze, le sénateur Daniel Patrick Moynihan, le sénateur Henry « Scoop » Jackson, Jeane Kirkpatrick et Brzezinski lui-même.
Dès le début de leur entrée dans le courant politique américain dans les années 1970, on savait que leur émergence pouvait mettre en péril la démocratie en Amérique et pourtant, les gardiens plus modérés de Washington leur ont permis d’entrer sans trop se battre.
Le livre désormais classique de Peter Steinfels de 1979, Les Néoconservateurs : Les hommes qui changent la politique américaine commencent par ces mots fatidiques. « LES POSTULATS DE CE LIVRE sont simples. Premièrement, qu’une perspective politique distincte et puissante a récemment émergé aux États-Unis. Deuxièmement, que cette perspective, préoccupée par certains aspects de la vie américaine et aveugle ou complaisante envers d’autres, justifie une politique qui, si elle prévaut, menace d’atténuer et de diminuer la promesse de la démocratie américaine ».
Mais bien avant les considérations de Steinfels en 1979, le programme néoconservateur qui consistait à faire passer leurs propres intérêts avant ceux de l’Amérique était en bonne voie, atténuant la démocratie américaine, sapant la détente et mettant en colère les partenaires américains de l’OTAN qui la soutenaient. Selon l’éminent spécialiste de l’URSS Raymond Garthoff du département d’État, la détente a été attaquée par les forces de droite et les forces militaro-industrielles (dirigées par le sénateur « Scoop » Jackson) dès son début. Mais l’appropriation de cette politique par les États-Unis a changé à la suite de l’intervention des États-Unis au nom d’Israël pendant la guerre d’octobre 1973. Garthoff écrit dans son volume détaillé sur les relations américano-soviétiques Détente et Confrontation, « Pour les alliés, la menace [à Israël] ne venait pas de l’Union soviétique, mais d’actions imprudentes de la part des États-Unis, prises unilatéralement et sans consultation. Le pont aérien [d’armes] avait été assez mauvais. Le potentiel agressif des forces militaires américaines en Europe était trop élevé. »
Jackson : Père fondateur des Néoconservateurs.
En plus de l’embargo pétrolier arabe paralysant qui a suivi, la crise de confiance dans le processus décisionnel américain a failli provoquer une mutinerie au sein de l’OTAN. « Les États-Unis avaient utilisé la situation de crise pour convertir un conflit arabo-israélien, dans lequel les États-Unis s’étaient plongés, dans une confrontation Est-Ouest. Puis ils avaient utilisé cette tension comme excuse pour exiger que l’Europe subordonne ses propres politiques à un pari diplomatique américain manipulateur sur lequel elle n’avaient aucun contrôle et au sujet duquel elle n’avait même pas été mise au courant, tout cela au nom de l’unité de l’alliance ».
En fin de compte, les États-Unis ont trouvé une cause commune avec leur ennemi soviétique de la Guerre froide en imposant un cessez-le-feu accepté à la fois par l’Égypte et Israël, confirmant ainsi l’utilité de la détente. Mais comme l’a raconté Garthoff, ce succès a déclenché un effort encore plus grand de la part des « nombreux soutiens de la politique israélienne » aux États-Unis pour commencer à s’opposer à toute coopération avec l’Union soviétique.
Garthoff écrit : « Les États-Unis avaient poussé Israël à faire précisément ce que l’Union soviétique (ainsi que les États-Unis) avait voulu : arrêter son avancée juste avant l’encerclement complet de la troisième armée égyptienne à l’est de Suez… Ainsi [les nombreux soutiens de la politique israélienne] ont vu la convergence des intérêts américains et la coopération effective en imposant un cessez-le-feu comme un signe avant-coureur d’une plus grande coopération future par les deux superpuissances en travaillant à la résolution du problème israélo-arabe-palestinien ».
Copyright © 2018 Fitzgerald & Gould Tous droits réservés. Cet article est d’abord paru sur Invisible History.
A suivre, Partie 2 : La stratégie globale d’après-guerre des néoconservateurs a été façonnée principalement par la Russophobie contre l’Union soviétique et maintenant contre la Russie.
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
DUGUESCLIN // 18.05.2018 à 08h24
C’est la façon dont la privatisation est utilisée qui pose un grave problème.
A partir du moment où on perd le contrôle de l’industrie et des infrastructures, les gouvernants n’ont plus de pouvoir de décision.
Par exemple si un pays n’a plus le contrôle de son industrie de l’armement, les financiers propriétaires peuvent du jour au lendemain décider de la finalité de cette industrie qui servira leurs intérêts supranationaux mais pas celle du pays où ils sont installés. Autre exemple, le domaine des transports qui sera organisé en fonction de leur rendement. Si ça ne paye pas, on ferme. Ou encore si la politique du pays ne leurs convient pas, on menace comme on veut, de fermeture, de délocalisation, de troubles sociaux et tout autres moyens.
Les gouvernants n’ont plus que le seul pouvoir de décider des impôts et des lois sociales qui en aucun cas ne peuvent déplaire aux financiers.
C’est surtout à ça que sert la privatisation dans le cadre de la mondialisation.
C’est le transfert d’un super pouvoir mondial à des financiers qui deviennent maîtres du monde.
Les “souverainistes” sont combattus pour qu’aucun pays ne puisse avoir la maîtrise de son destin. Ces financiers savent utiliser les idéologies supranationalistes ou internationalistes pour renforcer leur pouvoir au détriment des nations.
Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]

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