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samedi 19 mai 2018

Les Européens déterminés à tenir tête à l'allié américain


18 mai 2018

Les Européens déterminés à tenir tête à l'allié américain

Les marges de manœuvre de l'UE pour sauver l'accord nucléaire iranien, après le retrait des Etats-Unis, sont limitées

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Le sommet de Sofia (Bulgarie), les 16 et 17  mai, devait être l'occasion pour les Européens de marquer leur fermeté face à Donald Trump, qui ne tient compte ni de leur avis ni de leurs intérêts économiques et géostratégiques. En un an, le président des Etats-Unis a retiré son pays de l'accord sur le nucléaire iranien, menacé de taxer les exportations d'acier ou d'aluminium produits dans l'Union et est sorti de l'accord de Paris contre le réchauffement climatique.
Au moins en public, les Européens ont réussi à afficher leur détermination. Les propos liminaires, peu diplomatiques, du président du Conseil Donald Tusk, donnaient le ton :" Lorsqu'on regarde les dernières décisions du président, on pourrait se dire qu'avec de tels amis, pas besoin d'ennemis. Mais honnêtement, l'Europe devrait être reconnaissante envers le président Trump car, grâce à lui, toutes nos illusions ont disparu. " Les Vingt-Huit s'en sont tenus aux grands principes : défendre leurs intérêts et ne pas céder face aux décisions " capricieuses " du président Trump. Iront-ils jusqu'à défier les Etats-Unis s'ils ne parviennent pas à le faire fléchir ?
Sur l'Iran, l'urgence, réitérée à -Sofia, est de prolonger l'existence de l'accord de 2015. Désireux de prouver leur autonomie diplomatique, les 28 ont proposé une nouvelle réunion à Vienne, la semaine prochaine. Un projet aussitôt encouragé par le vice-ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Riabkov. La rencontre devrait rassembler tous les signataires de l'accord, hormis les Etats-Unis.
Revitalisation d'un règlementL'Union défendra l'accord tant que Téhéran en respectera toutes les clauses. Elle entend évoquer en parallèle – mais pas en même temps – la question du programme iranien de missiles balistiques, comme le rôle du régime en Syrie, au Yémen et au Liban. Enfin, elle a confirmé à Sofia vouloir protéger ses entreprises actives en Iran du retour des sanctions américaines. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a évoqué la revitalisation d'un règlement instauré par les Européens en  1996 pour éviter, déjà à l'époque, les sanctions extraterritoriales américaines au sujet de l'Iran, de Cuba et du Soudan.
Mais cet outil tient davantage de l'argument de négociation vis-à-vis de Washington que du vrai bouclier anti-sanctions. Il avait d'ailleurs été plutôt efficace en  1996 : à l'époque, l'administration Clinton avait battu en retraite et accordé des exemptions sur ses sanctions aux sociétés européennes. En sera-t-il de même avec le président Trump ? Selon le New York Times, le secrétaire d'Etat John Bolton a fait savoir aux Européens, dès la semaine dernière, que leurs entreprises ne seraient pas exemptées. Pas rassuré, Total, engagé dans un projet à 1  milliard d'euros en Iran, a confirmé mercredi vouloir se retirer du marché en l'absence d'une dérogation des Etats-Unis. " Il ne faut pas se voiler la face, - nos moyens - sont limités ", a reconnu M. Juncker.
Pour préserver plus solidement les intérêts européens en Iran, la France pousse à la création de canaux de financement alternatifs aux banques, évitant aux entreprises les transactions en dollars. Très ambitieux, trop peut-être : ce sujet n'était pas été au cœur des discussions à Sofia.
Pour les contentieux commerciaux, les 28 se sont rangés derrière la Commission : pas question de " discuter avec un pistolet sur la tempe ". Si M. Trump, obsédé par les taxes à l'entrée en Europe des voitures américaines, veut un geste des Européens, il doit abandonner ses menaces sur leur acier et leur aluminium. Dans ce cas, eux seraient prêts à discuter, mais dans le cadre contraint d'un accord commercial, et en échange d'un accès aux marchés publics et au gaz liquéfié américains.
La commission a préparé une impressionnante liste de produits américains à taxer si les pénalités sur l'acier européen s'appliquaient au 1er  juin. Elle devait la notifier formellement à l'Organisation mondiale du commerce vendredi 18  mai. Mais aura-t-elle le cran de dégainer ces représailles dans leur intégralité le jour J, -surtout si le président Trump se contente de décréter des quotas d'exportation européens ? " Il faudra qu'Allemands et Français tiennent la distance ", souligne un diplomate. Car si les Français restent partisans de la plus grande dureté, au motif que le président Trump ne respecte que la force, l'Allemagne, première économie exportatrice de l'Union, tétanisée par les risques de guerre commerciale, est davantage tentée par les compromis. " Malgré toutes les difficultés rencontrées ces jours-ci, les relations transatlantiques resteront d'une importance capitale ", a souligné Angela Merkel à Sofia.
Depuis le Parlement européen où il participait à un débat, mercredi, Anthony Gartner, l'ex-ambassadeur américain auprès de l'Union, soulignait justement à propos des Européens, derniers garants du multilatéralisme et de l'ordre libéral occidental, que " le cours de l'histoire est entre vos mains ". Une responsabilité écrasante pour une Union bien fragile.
Cécile ducourtieux, et Jean-Pierre Stroobants
© Le Monde

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