Translate

mardi 15 mai 2018

LRM, un colosse aux pieds d'argile......Christophe Castaner, patron de parti malgré lui......


15 mai 2018

LRM, un colosse aux pieds d'argile

Formidable outil de conquête du pouvoir il y a un an, le parti d'Emmanuel Macron, dévitalisé, peine à exister

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Cela ressemble à un bolide qui peine à se relancer après avoir effectué une accélération foudroyante lui ayant permis de -remporter la course. Lancé en avril  2016 par Emmanuel Macron, le mouvement En marche ! – rebaptisé La République en marche (LRM) – est devenu en un an largement majoritaire à l'Assemblée nationale, après l'accession à l'Elysée de son fondateur.
Depuis, la réalité s'avère moins reluisante : ce nouveau-né de la politique peine à exister. Difficile d'être audible dans l'ombre d'un président omniprésent, d'un -gouvernement multipliant les réformes et d'un groupe de députés pléthorique. " Le mouvement n'a pas encore trouvé sa place dans l'architecture majoritaire ", admet l'un de ses dirigeants. Après un an d'existence sous la présidence Macron, LRM ressemble à un -colosse aux pieds d'argile. Avec des atouts majeurs mais aussi de vraies faiblesses.
Son principal point fort reste d'être le parti au pouvoir. Au sein d'un paysage politique en pleine recomposition, il dispose d'une force d'attraction supérieure aux formations traditionnelles – comme Les Républicains ou le Parti socialiste, encore -convalescents – pour nouer des alliances dans l'optique des élections européennes en  2019 et municipales en  2020. " Aujourd'hui, les regards positifs sont tournés vers nous. Beaucoup d'élus frappent à notre porte, et dans les -négociations, il vaut mieux être le représentant d'Emmanuel Macron qu'un député socialiste sous François Hollande ", se targue l'ex-député PS Christophe Castaner, que le chef de l'Etat a placé à la tête de LRM, en novembre  2017, pour tenter de réanimer une formation en jachère. Si la tâche n'est pas simple, le mouvement macroniste dispose de moyens financiers importants. Grâce à ses succès électoraux, LRM doit percevoir près de 20  millions d'euros par an pendant le quinquennat. Un avantage de taille par rapport à ses concurrents, en particulier LR et le PS, lourdement endettés.
Les dirigeants de LRM se félicitent également de disposer d'un vaste réseau d'adhérents. M. Castaner en revendique 400 000, assurant enregistrer " une centaine "de nouvelles adhésions par jour contre " une quinzaine " de départs. Des chiffres invérifiables : le parti comptabilise des inscriptions gratuites sur son site, quand les autres ne retiennent que les adhérents payant une cotisation. Or, sur les 400 000 adhérents -revendiqués, une large part ne s'est inscrite que pour soutenir le candidat Macron lors de sa campagne. Et se trouve aujourd'hui totalement démobilisée. " Comme il n'y a pas de cotisation, il est facile d'intégrer ce parti mais il est aussi facile d'en partir, sans que personne ne s'en aperçoive, observe le politologue Jean-Louis Thiébault. Cela en fait plus un parti de sup-porteurs, venus soutenir leur champion de manière ponctuelle, qu'un parti de militants, où l'on s'engage sur la durée. "
" Fuite des cerveaux "LRM a d'ailleurs vu ses comités -locaux perdre de leur dynamisme depuis l'élection du chef de l'Etat. " La mission principale, c'est de garder les adhérents qui sont venus pour porter Macron au pouvoir ", résume un ministre. Pour les remobiliser, le mouvement organise des événements, à l'image de la " Grande marche pour l'Europe ", une vaste opération de porte-à-porte lancée le 7 avril dans toute la France. Mais le risque de se retrouver avec un parti peu à peu dévitalisé demeure. D'autant qu'au sein de la direction, le mouvement souffre toujours d'un problème de ressources humaines, malgré l'arrivée de M. Castaner et la mise en place d'un comité exécutif, composé de trente personnes, fin 2017. " Notre difficulté, c'est qu'on a connu une fuite des cerveaux ", observe un dirigeant. Après l'élection de M. Macron et la victoire aux législatives, LRM a été vidé de sa substance par le départ de ses personnalités emblématiques vers l'Elysée, les ministères ou l'Assemblée.
Plusieurs macronistes de la -première heure dressent un constat particulièrement négatif d'un parti passé du statut de machine de guerre à celui de maison fantôme, en quasi désœuvrement. " Le mouvement est devenu inexistant et inutile ", regrette l'un d'eux. Il souffre en tout cas d'un faible poids médiatique : à part M. Castaner – et à un degré moindre le porte-parole et député -Gabriel Attal –, aucun poids lourd ne peut porter la parole du parti macroniste face aux ténors de l'opposition. Un épisode l'a encore illustré récemment : alors que LRM voulait envoyer la députée Laetitia Avia pour tenir tête à Marine Le Pen, Laurent Wauquiez, Jean-Luc Mélenchon et -Olivier Faure, lors d'un débat sur France 2 le 17  mai, la chaîne -publique a finalement exigé – et -obtenu – que ce soit M. Castaner.
Mais le principal handicap du parti présidentiel reste son manque d'implantation territoriale. Ayant été créé après les élections municipales de 2014, il ne compte aucun élu local. Ni à l'échelon des communes, des départements ou des régions… " La faiblesse de Macron, c'est son appareil. Derrière lui, qui est sur le terrain ? Il y a une réelle difficulté à défendre la politique du gouvernement au niveau local et à préparer les élections -intermédiaires ", estime le président du groupe centriste du Sénat, Hervé Marseille.
" Nous n'avons pas dix ans d'expérience avec une fédération dans chaque département, avec des locaux et des permanents, reconnaît M. Castaner, qui entend remédier à cette faiblesse majeure. Ma mission pour 2018, c'est la structuration territoriale et la préparation des européennes et des municipales. " En janvier, il a mis en place des comités politiques au niveau départemental, pour mettre de l'ordre dans les divers comités En marche !, créés spontanément lors de la campagne. Il a aussi lancé un " institut de formation " pour faire émerger des candidats en mesure de se présenter aux élections locales.
Jouer un rôle secondaireLes initiatives très politiques de cet élu expérimenté ont fait tousser en Macronie, où certains y ont vu une résurgence du " système " et de l'" ancien monde ". Mais M. Castaner assume sa méthode, visant à assurer la pérennité du mouvement : " Mon objectif, c'est la structuration politique et ter-ritoriale du mouvement sur le long terme. " Début avril, il avait ex-pliqué " préparer l'après-Macron ", pour que le parti puisse " survivre " à son fondateur.
Cela passe aussi, selon lui, par l'élaboration de la " doctrine " d'un parti centré sur le programme présidentiel. De quoi aider le mouvement à se faire entendre ? Lors de son élection, M. Castaner avait promis un mouvement jouant un rôle de " vigie " à l'égard du gouvernement. Mais depuis, LRM n'a jamais vraiment émis de réserves sur la politique de l'exécutif. Son positionnement reste compliqué. " Si on se contente de soutenir la politique de Macron, personne ne nous écoutera, et si on la critique, cela créera des problèmes ", constate un dirigeant. Résultat : pour l'instant, le mouvement n'a pas de message propre.
De son côté, le chef de l'Etat ne se soucierait guère du sort de la formation qu'il a créée." Il n'aime pas les partis donc il s'en fiche et a plus important à faire ", selon un de ses fidèles. " Emmanuel Macron a conçu En marche ! comme un outil politique. D'abord pour conquérir le pouvoir et aujourd'hui pour réussir le mandat. Nous n'avons jamais envisagé d'en faire un objet politique qui vive pour lui-même et par lui-même, comme le PS ou LR ", explique Gabriel Attal.
Depuis son accession à l'Elysée, sa formation est donc destinée à jouer un rôle secondaire. " Le mouvement de La République en marche s'inscrit dans la tradition des partis politiques à la française de la Ve  République, analyse Jean-Louis Thiébault.Comme le parti gaulliste de l'UNR, au moment de sa création en  1958, sa vocation première est de soutenir son fondateur devenu président de la République. Dès lors, il peine à avoir une existence propre. " En attendant de se réanimer pour les prochaines échéances électorales.
Alexandre Lemarié
© Le Monde


15 mai 2018

Christophe Castaner, patron de parti malgré lui

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Il avait donné l'impression d'accepter le poste à reculons. Lors de son élection à la tête de La République en -marche (LRM), le 18  novembre 2017, Christophe Castaner avait reconnu que la direction du mouvement n'était " pas un rêve ", mais" un devoir ". Il avait alors répondu favorablement à la demande d'Emmanuel Macron, qui avait décidé de placer l'un de ses lieutenants à la tête d'une formation en déshérence. Sans trop avoir le choix…
" A l'origine, je n'étais pas candidat pour prendre la tête d'un mouvement poli-tique. Ce n'était pas forcément ma -culture. Mon nom est apparu pour beaucoup comme une évidence. Alors j'ai dit banco ! ", confie-t-il aujourd'hui au Monde. Même s'il a passé trente ans au Parti socialiste, avant de rejoindre M. Macron en  2016, l'ex-maire de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) n'avait guère montré jusqu'ici d'appétence pour les jeux d'appareil. Lorsqu'il était membre du PS, il se vantait de n'avoir -jamais mis les pieds au siège parisien, rue de Solférino. " Tête de liste du PS aux élections régionales de 2015 en Provence-Alpes-Côte d'Azur, il avait été lâché par le parti, ça l'avait marqué ", raconte aussi un proche.
M.  Castaner était tellement réticent à prendre le poste de délégué général de LRM qu'il avait tenté de persuader M. Macron de choisir un autre candidat. " Il lui a même fait l'éloge de Richard Ferrand pour le poste, c'est dire… ", s'amuse un macroniste de la première heure, en référence aux relations compliquées entre " Casta " et le chef de file des députés LRM. Contraint d'abandonner son portefeuille de porte-parole du gouvernement, l'ancien socialiste a tout de même réussi à garder celui de secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Chargé de relever un mouvement peu organisé, ila connu des débuts difficiles. " Les choses ne sont pas simples ", confiait-il au Figaroen janvier. Désormais, il assure avoir pris ses marques et surtout goût à la fonction. " Aujourd'hui, ça m'éclate ! Toutes les semaines, je fais un ou deux déplacements et, franchement, c'est chouette. J'aime le terrain passionnément. " Il s'est notamment rendu dans le Pays basque les 28 et 29 avril, avant de passer trois jours en immersion en Eure-et-Loir du 3 au 5  mai.
Se méfier de l'effet d'enfermementA la tête de LRM, le représentant de " l'ancien monde " – comme il se qualifie – s'est fixé un objectif : structurer ce mouvement du " nouveau monde " pour assurer son existence sur le long terme. " Mon plus gros job, c'est d'installer en -interne l'idée que faire de la politique, c'est aussi notre mission ", explique M. Castaner. Agé de 52 ans, cet homme volubile et chaleureux a l'avantage d'être apprécié en Macronie, où personne ne remet en cause sa légitimité ou son action. " C'est un marcheur de la première heure, qui a un contact facile avec les simples adhérents comme avec les députés, tout en étant efficace dans son travail. Au parti, il incarne, il délègue, il manage ", résume le député Pierre Person, membre du bureau exécutif de LRM.
Arrivé sur la défensive, M. Castaner continue toutefois de se méfier de l'effet d'enfermement que connaissent tous les responsables de parti. Le secrétaire d'Etat refuse par exemple de laisser l'appareil gérer son emploi du temps. " Je déteste qu'on m'impose un agenda ", a-t-il expliqué à ceux qui s'en étonnaient. De même, il a gardé auprès de lui la conseillère qui s'occupait de sa communication lorsqu'il était porte-parole du gouvernement.
Al. Le. et Cédric Pietralunga
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire