Cela ressemble à un bolide qui peine à se relancer après avoir effectué une accélération foudroyante lui ayant permis de -remporter la course. Lancé en avril 2016 par Emmanuel Macron, le mouvement En marche ! – rebaptisé La République en marche (LRM) – est devenu en un an largement majoritaire à l'Assemblée nationale, après l'accession à l'Elysée de son fondateur.
Depuis, la réalité s'avère moins reluisante : ce nouveau-né de la politique peine à exister. Difficile d'être audible dans l'ombre d'un président omniprésent, d'un -gouvernement multipliant les réformes et d'un groupe de députés pléthorique.
" Le mouvement n'a pas encore trouvé sa place dans l'architecture majoritaire ", admet l'un de ses dirigeants. Après un an d'existence sous la présidence Macron, LRM ressemble à un -colosse aux pieds d'argile. Avec des atouts majeurs mais aussi de vraies faiblesses.
Son principal point fort reste d'être le parti au pouvoir. Au sein d'un paysage politique en pleine recomposition, il dispose d'une force d'attraction supérieure aux formations traditionnelles – comme Les Républicains ou le Parti socialiste, encore -convalescents – pour nouer des alliances dans l'optique des élections européennes en 2019 et municipales en 2020.
" Aujourd'hui, les regards positifs sont tournés vers nous. Beaucoup d'élus frappent à notre porte, et dans les -négociations, il vaut mieux être le représentant d'Emmanuel Macron qu'un député socialiste sous François Hollande ", se targue l'ex-député PS Christophe Castaner, que le chef de l'Etat a placé à la tête de LRM, en novembre 2017, pour tenter de réanimer une formation en jachère. Si la tâche n'est pas simple, le mouvement macroniste dispose de moyens financiers importants. Grâce à ses succès électoraux, LRM doit percevoir près de 20 millions d'euros par an pendant le quinquennat. Un avantage de taille par rapport à ses concurrents, en particulier LR et le PS, lourdement endettés.
Les dirigeants de LRM se félicitent également de disposer d'un vaste réseau d'adhérents. M. Castaner en revendique 400 000, assurant enregistrer
" une centaine "de nouvelles adhésions par jour contre
" une quinzaine " de départs. Des chiffres invérifiables : le parti comptabilise des inscriptions gratuites sur son site, quand les autres ne retiennent que les adhérents payant une cotisation. Or, sur les 400 000 adhérents -revendiqués, une large part ne s'est inscrite que pour soutenir le candidat Macron lors de sa campagne. Et se trouve aujourd'hui totalement démobilisée.
" Comme il n'y a pas de cotisation, il est facile d'intégrer ce parti mais il est aussi facile d'en partir, sans que personne ne s'en aperçoive, observe le politologue Jean-Louis Thiébault
. Cela en fait plus un parti de sup-porteurs, venus soutenir leur champion de manière ponctuelle, qu'un parti de militants, où l'on s'engage sur la durée. "
" Fuite des cerveaux "LRM a d'ailleurs vu ses comités -locaux perdre de leur dynamisme depuis l'élection du chef de l'Etat.
" La mission principale, c'est de garder les adhérents qui sont venus pour porter Macron au pouvoir ", résume un ministre. Pour les remobiliser, le mouvement organise des événements, à l'image de la " Grande marche pour l'Europe ", une vaste opération de porte-à-porte lancée le 7 avril dans toute la France. Mais le risque de se retrouver avec un parti peu à peu dévitalisé demeure. D'autant qu'au sein de la direction, le mouvement souffre toujours d'un problème de ressources humaines, malgré l'arrivée de M. Castaner et la mise en place d'un comité exécutif, composé de trente personnes, fin 2017.
" Notre difficulté, c'est qu'on a connu une fuite des cerveaux ", observe un dirigeant. Après l'élection de M. Macron et la victoire aux législatives, LRM a été vidé de sa substance par le départ de ses personnalités emblématiques vers l'Elysée, les ministères ou l'Assemblée.
Plusieurs macronistes de la -première heure dressent un constat particulièrement négatif d'un parti passé du statut de machine de guerre à celui de maison fantôme, en quasi désœuvrement.
" Le mouvement est devenu inexistant et inutile ", regrette l'un d'eux. Il souffre en tout cas d'un faible poids médiatique : à part M. Castaner – et à un degré moindre le porte-parole et député -Gabriel Attal –, aucun poids lourd ne peut porter la parole du parti macroniste face aux ténors de l'opposition. Un épisode l'a encore illustré récemment : alors que LRM voulait envoyer la députée Laetitia Avia pour tenir tête à Marine Le Pen, Laurent Wauquiez, Jean-Luc Mélenchon et -Olivier Faure, lors d'un débat sur France 2 le 17 mai, la chaîne -publique a finalement exigé – et -obtenu – que ce soit M. Castaner.
Mais le principal handicap du parti présidentiel reste son manque d'implantation territoriale. Ayant été créé après les élections municipales de 2014, il ne compte aucun élu local. Ni à l'échelon des communes, des départements ou des régions…
" La faiblesse de Macron, c'est son appareil. Derrière lui, qui est sur le terrain ? Il y a une réelle difficulté à défendre la politique du gouvernement au niveau local et à préparer les élections -intermédiaires ", estime le président du groupe centriste du Sénat, Hervé Marseille.
" Nous n'avons pas dix ans d'expérience avec une fédération dans chaque département, avec des locaux et des permanents, reconnaît M. Castaner, qui entend remédier à cette faiblesse majeure.
Ma mission pour 2018, c'est la structuration territoriale et la préparation des européennes et des municipales. " En janvier, il a mis en place des comités politiques au niveau départemental, pour mettre de l'ordre dans les divers comités En marche !, créés spontanément lors de la campagne. Il a aussi lancé un " institut de formation " pour faire émerger des candidats en mesure de se présenter aux élections locales.
Jouer un rôle secondaireLes initiatives très politiques de cet élu expérimenté ont fait tousser en Macronie, où certains y ont vu une résurgence du
" système " et de l'
" ancien monde ". Mais M. Castaner assume sa méthode, visant à assurer la pérennité du mouvement :
" Mon objectif, c'est la structuration politique et ter-ritoriale du mouvement sur le long terme. " Début avril, il avait ex-pliqué
" préparer l'après-Macron ", pour que le parti puisse
" survivre " à son fondateur.
Cela passe aussi, selon lui, par l'élaboration de la
" doctrine " d'un parti centré sur le programme présidentiel. De quoi aider le mouvement à se faire entendre ? Lors de son élection, M. Castaner avait promis un mouvement jouant un rôle de
" vigie " à l'égard du gouvernement. Mais depuis, LRM n'a jamais vraiment émis de réserves sur la politique de l'exécutif. Son positionnement reste compliqué.
" Si on se contente de soutenir la politique de Macron, personne ne nous écoutera, et si on la critique, cela créera des problèmes ", constate un dirigeant. Résultat : pour l'instant, le mouvement n'a pas de message propre.
De son côté, le chef de l'Etat ne se soucierait guère du sort de la formation qu'il a créée.
" Il n'aime pas les partis donc il s'en fiche et a plus important à faire ", selon un de ses fidèles.
" Emmanuel Macron a conçu En marche ! comme un outil politique. D'abord pour conquérir le pouvoir et aujourd'hui pour réussir le mandat. Nous n'avons jamais envisagé d'en faire un objet politique qui vive pour lui-même et par lui-même, comme le PS ou LR ", explique Gabriel Attal.
Depuis son accession à l'Elysée, sa formation est donc destinée à jouer un rôle secondaire.
" Le mouvement de La République en marche s'inscrit dans la tradition des partis politiques à la française de la Ve République, analyse Jean-Louis Thiébault.
Comme le parti gaulliste de l'UNR, au moment de sa création en 1958, sa vocation première est de soutenir son fondateur devenu président de la République. Dès lors, il peine à avoir une existence propre. " En attendant de se réanimer pour les prochaines échéances électorales.
Alexandre Lemarié
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