Translate

dimanche 20 mai 2018

Maduro, le chavisme à tout prix


19 mai 2018

Maduro, le chavisme à tout prix

Au pouvoir depuis la mort d'Hugo Chavez, en 2013, Nicolas Maduro a renforcé son emprise sur le Venezuela. Malgré la grave crise économique que traverse le pays, aucune opposition ne semble en mesure d'empêcher sa réélection, dimanche 20 mai

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Rien ne prédestinait l'humble chauffeur d'autobus à présider un jour aux destinées du Venezuela. Rien, non plus, n'indiquait, à la mort de son maître, Hugo Chavez, qu'il prendrait si rudement les rênes du pouvoir qu'il est désormais qualifié de " dictateur " par l'opposition vénézuélienne et par les principales puissances et organisations démocratiques d'Amérique latine et de la planète.
Rien, enfin, ne laissait présager que Nicolas Maduro pourrait s'installer durablement à la tête du pays, qu'il pourrait fracturer puis effacer sans coup férir une opposition nettement majoritaire lors des élections législatives de 2015, mater, en  2017, quatre mois de manifestations pacifiques puis d'émeutes, faire tirer sur la jeunesse en colère puis sur des policiers renégats, emprisonner ses opposants et bannir l'opposition de la présidentielle, et résister à une crise économique tellement grave qu'elle se transforme en tragédie humanitaire. Durer tant et si bien qu'actuellement, nul n'imagine d'alternative à un pouvoir " maduriste " pourtant intrinsèquement fragile.
L'arrivée au pouvoir de Nicolas Maduro a eu lieu en deux temps : le 5  mars 2013, jour de la mort d'Hugo Chavez, lorsqu'il devient président par intérim de la République bolivarienne du Venezuela – ainsi rebaptisée par Chavez en hommage au " Libertador " Simon Bolivar, vainqueur des colons espagnols au XIXe  siècle –, puis, le 14  avril suivant, lorsqu'il remporte de justesse la présidentielle avec 50,6  % des voix face à l'opposant centriste Henrique Capriles.
Mais la vraie intronisation de Nicolas Maduro, submergé par la reconnaissance, le regard fixe, avait déjà eu lieu quelque temps auparavant, lorsque le " Comandante "Chavez, rongé par un cancer, avait quitté l'hôpital cubain où il était soigné pour venir à Caracas annoncer à la télévision sa décision : ce serait Maduro, l'ex-ministre des affaires étrangères devenu vice-président du pays, qui lui succéderait. L'homme que nul n'avait imaginé en chef politique, l'homme dont, à vrai dire, tout Caracas se moquait allégrement avec un sourire en coin. " Mon opinion, aussi claire qu'une pleine lune, avait déclaré Chavez, mon opinion irrévocable, absolue et totale, est que vous devez élire Nicolas Maduro président (…) si je ne peux plus. "
Sur scène avec maradonaTout dans le " madurisme ", même au fur et à mesure que l'homme a renforcé son pouvoir, est là pour rappeler que ce président vient du chavisme. Au palais présidentiel de Miraflores, il a donné l'ordre de garder intact les objets de la scène télévisée originelle du 8  décembre 2012 où Chavez l'a désigné. S'il parle peu de sa naissance en  1962 dans le quartier ouvrier d'El  Valle, dans les faubourgs de Caracas, peu de sa scolarité, où il n'obtiendra aucun diplôme mais deviendra un défenseur des droits des élèves, ou peu de sa formation politique, à 23 ans, à Cuba, il évoque, en revanche, tout le temps sa loyauté absolue envers Chavez et le socialisme révolutionnaire.
A la cuartel de la Montana (" la caserne de la Montagne "), devenue le mausolée d'Hugo Chavez, la tombe du " Comandante eterno " (" le commandant éternel ") est gardée par quatre soldats en uniforme rouge de l'époque de Bolivar. Chaque jour à l'heure exacte de sa mort, la garde tire un coup de canon dans le ciel de Caracas. Chavez, dont les Vénézuéliens craignaient qu'il choisisse d'être enterré aux côtés de son héros, Simon Bolivar, a choisi pour mausolée cette caserne d'où il avait tenté un coup d'Etat en  1992 contre le gouvernement élu de l'époque. Le mausolée a été baptisé " 4F ", pour 4  février, jour du putsch raté et de l'envoi de Chavez en prison pour deux ans.
Dans la salle du musée qui retrace les années de Chavez au pouvoir (1999-2013), seules deux personnes figurent aux côtés du chef révolutionnaire : Fidel Castro, son père spirituel, qui, semble-t-il, avait d'ailleurs en retour pour Chavez une tendresse particulière ; et Nicolas Maduro, qui figure sur trois photographies soigneusement choisies, où il apparaît humble, à l'écoute du chef, puis presque comme son égal, en tout cas comme un compagnon.
L'épisode du " 4F " renvoie aussi à une autre histoire : alors qu'il était emprisonné pour sa tentative de putsch, Chavez a eu un jour la permission de recevoir une délégation de ses camarades. Maduro, chef du syndicat des chauffeurs d'autobus et très actif dans le mouvement socialiste, était présent. A la surprise des visiteurs, et sans doute de Maduro lui-même, Chavez a annoncé à ses amis que, durant sa détention, ils devaient obéir aux ordres de " Verde ", le nom de code qu'il venait de donner à Maduro. Ce fut la même surprise, et probablement la même reconnaissance en retour, que lors de l'annonce de la succession à la présidence.
C'est cet homme que nul ne s'attendait à voir gravir les marches du pouvoir qui monte sur scène, jeudi 17  mai à Caracas, avenue Simon-Bolivar, pour un ultime rassemblement de campagne avant l'élection présidentielle du dimanche 20  mai. Il tient la main de sa femme, la très influente Cilia Flores, avec laquelle il avait commencé à flirter alors qu'elle était l'avocate de Chavez, emprisonné. Il se mêle aux rockeurs caracassiens survoltés chantant des airs entraînants, et à un Diego Maradona – ami des figures tutélaires du jour, Castro et Chavez – se dandinant, aux anges, faisant flotter au vent le drapeau vénézuélien. Puis, il est présenté par son homme de confiance et chef de campagne Jorge Rodriguez, qui exhorte la foule à faire un triomphe au " protecteur des pauvres ".
Le président ne porte exceptionnellement pas la traditionnelle chemise rouge révolutionnaire, mais une chemise verte ornée d'un dessin représentant le visage d'Hugo Chavez. Le message ne peut pas être plus clair. Au cas où il ne le soit pas, Maduro précise dans son discours : " J'ai juré loyauté éternelle au président Chavez et à son plan pour la patrie. " Et puisqu'il estime avoir, durant son premier mandat, " tenu- sa - promesse ", la conclusion s'impose : tant qu'on aime Chavez, on vote Maduro. Il est l'héritier. C'est sa légitimité.
" Chavez, bien que mort depuis cinq ans, est toujours la figure politique la plus populaire du pays. La nostalgie de Chavez diminue mais existe encore, estime l'analyste Phil Gunson, de l'International Crisis Group. Chavez était très charismatique et bénéficiait d'un soutien quasiment religieux. Alors, même si beaucoup de Vénézuéliens se disent chavistes mais pas maduristes, ils continuent de voter pour le successeur désigné. "
" Les idées politiques du président Chavez sont la clé de voûte de la vie politique vénézuélienne, et ces idées ont été développées lors de son compagnonnage avec le président Maduro, affirme Roy Daza, le responsable des relations internationales du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) au pouvoir. C'est d'ailleurs le problème principal de l'opposition : elle ne reconnaît toujours pas la justesse de la cause que Chavez défendait. " C'est le moins qu'on puisse dire, alors que les opposants sont prêts à aller en prison plutôt que de faire allégeance au chavisme.
Si Chavez n'était pas tendre envers les institutions démocratiques, comme l'ont démontré sa tentative de putsch, l'emprisonnement de contestataires durant son règne, son admiration pour le pouvoir de La  Havane ou ses liens avec Moscou et Pékin, Maduro semble parfois, tout en truffant volontiers ses discours de mots tels qu'" humilité " et " amour ", plus dur encore.
" Un type cruel "Nicolas Maduro, volontiers provocateur, est coutumier de la violence verbale : ses ennemis et adversaires sont des " enculés " qui peuvent " aller se faire baiser ", un langage encore utilisé cette semaine lors d'entretiens télévisés et de rassemblements électoraux, notamment à l'encontre du président colombien Juan Manuel Santos. Et il ne rechigne ni à la violence politique (ses deux opposants les plus représentatifs, Henrique Capriles et Leopoldo Lopez, ainsi que la principale coalition de l'opposition ont été interdits de se présenter à la présidentielle, et certains dorment en prison ou vivent en résidence surveillée) ni à la violence militaire (même si certains émeutiers furent également violents envers les chavistes, la répression des quatre mois de manifestations par la garde nationale, en  2017, a fait plus d'une centaine de morts dans les rues de Caracas).
" Maduro est un type cruel qui se tourne contre son peuple pour rester au pouvoir,juge Nicola Yammine, l'un des chefs de file de la contestation estudiantine. Et comme, s'il quitte le pouvoir, il risque d'être confronté à la justice, sa seule solution est de s'accrocher. " " Comment Maduro peut-il dormir la nuit avec tant de sang sur les mains ?, ajoute son ami Samuel Diaz, à la tête, en  2017, d'un autre syndicat étudiant. Et je ne parle pas seulement de nos camarades tués dans les manifestations, mais des enfants qui meurent de malnutrition ou d'absence de soins dans les hôpitaux. "
Pour l'historienne Margarita Lopez Maya, " nous avons totalement sous-estimé Maduro. On le prenait pour un faible ou un ignorant. Or, le résultat est que, à force de répression et de corruption, avec l'appui de l'armée et avec l'aide des conseillers cubains, il a réussi à survivre. Maduro est un survivant. "
Celui en qui nul ne croyait s'est imposé. " Maduro est redoutablement malin et il apprend très vite, pense un journaliste vénézuélien. Sa limite est qu'il semble tout à fait incapable de résoudre notre problème économique. Les gens ont faim, et certains n'ont plus ni eau, ni électricité, ni soins. Je crois que Maduro et ses conseillers rêvent d'une transition à la chinoise, mais ils ne savent pas comment s'y prendre. "
Lors du rassemblement électoral du 17  mai, niant que le pays soit en faillite ou en proie à une crise humanitaire, Nicolas Maduro a promis " un nouveau commencement ". Comme lorsqu'il racontait, il y a quelques années, que Chavez lui était apparu une nuit sous la forme d'un oiseau et lui avait parlé, il a évoqué, les yeux levés vers le ciel, ses " visions " pour l'avenir du pays. L'apparatchik effacé, le chauffeur d'autobus syndicaliste paraissait transformé. Il a parlé de Bolivar, de Chavez, de Dieu et de Jésus, puis de " Maduro " à la troisième personne. Même l

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire