Translate

mercredi 16 mai 2018

SNCF Réseau devra dégager 1,3 milliard d'euros de productivité


16 mai 2018

SNCF Réseau devra dégager 1,3 milliard d'euros de productivité

Patrick Jeantet, le PDG de l'infrastructure ferroviaire, insiste sur l'ampleur des efforts à faire chaque année dans le cadre de la réforme

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Moins omniprésent que Guillaume Pepy dans les médias, Patrick Jeantet, le PDG de SNCF Réseau, est l'un des personnages-clés de la réforme ferroviaire. Il dirige cette infrastructure lestée de la fameuse dette de 47  milliards d'euros que le gouvernement s'est engagé à reprendre, au moins partiellement. Sujet d'intenses tractations entre l'exécutif et le groupe ferroviaire depuis plusieurs semaines, le modèle économique de SNCF  Réseau est un des éléments qui pourraient débloquer le conflit. Le PDG détaille sa vision des changements à venir.
Une grève pénalisante  Il y a d'abord cette grève contre la réforme, qui contribue à fragiliser le système ferroviaire et singulièrement le réseau. Lundi 14  mai a été une journée sans cheminots. Lors de ce 18e jour de grève, la mobilisation a rebondi, avec 27,58  % de grévistes, soit le troisième taux le plus élevé en semaine depuis le début du mouvement par épisode, les 3 et 4  avril (33,9  % et 29,7  %). D'autre part, la journée a été marquée par une cinquantaine d'incidents et d'actes de malveillance. La SNCF a décidé de porter plainte.
" SNCF Réseau a, jusqu'ici, perdu 110 millions d'euros, estime M. Jeantet.Essentiellement en raison des péages ferroviaires non perçus. " Si l'immense planning de travaux de régénération du réseau accumule les retards, un autre problème, plus inattendu, lié à la grève, vient compliquer la tâche du gestionnaire d'infrastructure.
" Il faut savoir qu'au printemps, nos équipes préparent la saison des fortes chaleurs,explique le patron. Cela consiste à relâcher les contraintes dans le rail. Si on ne fait pas cela, lorsque les températures montent, les rails se déforment à cause de la dilatation de l'acier. Or, cette préparation va prendre du retard. L'ensemble des rails n'ayant pu être traités à temps, nous aurons, en juillet-août, davantage de ralentissements que d'habitude liés à ce point technique. "
" On arrive tout de même à réaliser des travaux ", poursuit M. Jeantet, en évoquant le chantier de la gare de Paris-Montparnasse, avec le changement de 17 aiguillages.

Bonnes nouvelles sur l'investissement  L'un des moments forts à venir sera la clarification du modèle économique de la SNCF, et en particulier de SNCF Réseau, qui va devenir, comme sa maison mère, une société anonyme par actions. Le premier ministre, Edouard Philippe, l'a affirmé, le 7  mai : la SNCF doit être à l'équilibre en  2022. Quelle reprise de dette ? Quelle trajectoire de péage ? Quels investissements dans le réseau ? On devrait en savoir plus, le 24 ou le 25  mai, sur le modèle économique pérenne que veut bâtir le gouvernement.
M.  Jeantet réclame " davantage d'investissements que les 3  milliards d'euros par an déjà prévus dans le contrat de performance pluriannuel signé au printemps 2017 ". " Je suis très heureux des déclarations du premier ministre, le 7  mai, qui dit : “On va aller au-delà.” Quel sera le montant ? Nous sommes en train d'en discuter avec le gouvernement. Naturellement, c'est lui qui arbitrera. "
Cette décision permettra d'investir dans la signalisation, dont les problèmes sont la principale cause de retard des trains." Nous allons pouvoir équiper une partie des voies avec le - système européen de gestion du trafic ferroviaire - ERTMS, qui permet de réduire les écarts entre les trains et, donc, de passer de 13 à 16 trains par heure sur le trajet Paris-Lyon, par exemple. Il y a d'autres projets, comme sur la ligne classique Marseille-Vintimille, aujourd'hui saturée, estime le PDG.  Cette modernisation a un double effet : capacité accrue et meilleure qualité de service. Mais, pour cela, il faut qu'on m'autorise à investir davantage. Equiper Paris-Lyon, par exemple, coûte 600  millions d'euros. "

Un saut majeur de productivité  En contrepartie de cet effort de l'Etat sur la dette et les investissements, l'entreprise devra, elle, en faire au niveau de la productivité. " Nous devons produire moins cher, assène M. Jeantet. Nous avons recensé une trentaine d'actions à mettre en œuvre. Certaines sont liées à la généralisation des outils numériques, d'autres à une diminution des frais généraux ou à l'organisation du travail, d'autres à la fin du recrutement au statut. "
Le patron de SNCF Réseau insiste sur l'ampleur de la tâche. " Le déficit structurel de SNCF Réseau représente 2,5 milliards d'euros hors construction de lignes nouvelles. Les frais financiers représentent 1,2  milliard. Cela veut dire que, même si on me retirait 100  % de la dette, dans la situation actuelle, je générerai encore 1,3  milliardde déficit chaque année. "
" Le gouvernement, très justement, dit : “Tant que c'est comme cela, je ne reprends pas la dette. Donnez-moi l'assurance qu'à partir d'un certain délai, on arrivera à une situation où l'entreprise génère du cash positif, sans quoi on se contentera de reconstituer une nouvelle dette. " Ce qui signifie " qu'il faut progressivement parvenir à dégager 1,3  milliard d'euros de productivité par an ".
L'unification des gares  Parmi les motifs de satisfaction de Patrick Jeantet, le choix du gouvernement, voté par l'Assemblée nationale, de rattacher l'ensemble de la gestion des gares à SNCF Réseau.
" Une grande gare fonctionne comme une aérogare, relève l'ancien manageur de Paris Aéroport. C'est un point névralgique – et potentiellement fragile –, où se rencontrent des flux de natures différentes. Si un TGV arrive dans une gare et que les accès au quai ne sont pas suffisants, le désordre est garanti. Aujourd'hui, le directeur de la gare n'a pas du tout la main sur l'affectation des trains aux quais. "
Depuis les incidents de la gare de Paris-Montparnasse, fin 2017, la SNCF expérimente ce que M.  Jeantet veut mettre en place quand la branche Gares &  Connexions sera rattachée à SNCF Réseau. " M. Pepy et moi-même avons nommé, depuis trois mois, un patron exécutif de la gare, véritable chef d'orchestre du système. " Le problème des gares tient à ce que chacun dans son domaine est compétent, du côté de SNCF Réseau comme du côté de Gares &  Connexions. " Mais, en l'absence de chef d'orchestre, il y a des couacs. Demain, je souhaite avoir un directeur de gare de haut niveau dans la vingtaine de grandes gares qui maillent le réseau ferroviaire français. "
Éric Béziat
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire