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mercredi 16 mai 2018

Un président de combat à la tête de la Catalogne


16 mai 2018

Un président de combat à la tête de la Catalogne

Après l'élection de Quim Torra, les partis espagnols divergent sur la levée de la tutelle imposée à la région

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Ce que j'ai entendu ces dernières heures ne me plaît pas, mais je jugerai sur les faits. " Lundi 14  mai, le chef du gouvernement espagnol,Mariano Rajoy, a comme il se doit suivi avec at-tention l'élection par le Parlement catalan de l'indépendantiste Quim Torra à la présidence de la région.
Après cinq mois de blocage, ce novice en politique a obtenu 66 voix pour, 65  contre et les -quatre abstentions des séparatistes radicaux de la Candidature d'unité populaire (CUP). Mais ce proche de Carles Puigdemont, son prédécesseur démis en octobre  2017 lors de la mise sous tutelle de la région par Madrid après sa déclaration unilatérale d'indépendance, risque de prolonger la confrontation avec l'Etat espagnol.
Institutions parallèlesM.  Torra a en effet assuré qu'il sera " fidèle au mandat - du référendum illégal - du 1er  octobre : construire un Etat indépendant sous forme de République ". Pour lui, " l'ambition de la législature est l'élaboration d'un projet de Constitution. " Pour avancer vers l'indépendance, il a annoncé la création d'institutions parallèles, sans détailler leur fonctionnement et leur composition, mais en donnant un rôle éminent à son mentor, M.  Puigdemont, toujours en attente en Allemagne d'une éventuelle extradition vers l'Espagne : " en exil, l'espace libre d'Europe, avec son conseil de la République ", et en Catalogne, une " assemblée des élus " dont le rôle, " très important ", n'a pas été précisé. M.  Torra a aussi promis de " faire face avec plus de capacité de résistance aux procès des responsables politiques catalans ", attendus à l'automne. Enfin, il a annoncé qu'il rétablira " toutes les lois suspendues par le Tribunal constitutionnel ".
La réponse de Madrid n'a pas tardé. Mariano Rajoy a dit vouloir " miser sur l'entente et la concorde ", tout en lançant un avertissement : " Je garantis que la loi, la Constitution et le reste du cadre juridique vont être respectés ". Le chef du gouvernement conservateur est sous pression d'une partie de l'opinion publique espagnole et de la formation libérale et " unioniste " Ciudadanos, qui exige de prolonger l'article  155 de la Constitution, celui de la mise sous tutelle de la Catalogne, en vigueur depuis la déclaration d'indépendance du 27  octobre 2017. Or le gouvernement s'était engagé à lever cette mesure d'exception dès qu'un exécutif serait formé dans la région rebelle.
Depuis des jours, Albert Rivera, chef de file de Ciudadanos, en tête dans les sondages nationaux, reproche à M. Rajoy de ne pas avoir déposé de recours devant le Tribunal constitutionnel contre le vote par procuration de Carles Puig-demont et d'un autre député " fugitif ", Toni Comin, ce qui aurait empêché l'élection de M. Torra. Il l'accuse d'avoir cédé aux exigences du Parti nationaliste basque (PNV), lequel avait posé comme condition pour soutenir, à Madrid, le projet de budget 2018, que le gouvernement lève l'article  155.
Ce positionnement inquiète les socialistes. " S'il n'y a pas de dialogue politique, il y aura un affrontement social ", indique le dirigeant socialiste catalan, Miquel Iceta. Lui qui cherche à construire des ponts entre les blocs indépendantistes et constitutionnalistes, plaide pour " une évolution fédérale de l'Espagne. Si nous ne trouvons pas une solution, nous serons tous perdants, car nous sommes divisés en deux et aucun ne peut prendre le dessus ". Pedro Sanchez, le secrétaire général du Parti socialiste, devait aborder la question avec M. Rajoy, mardi 15  mai. Les socialistes ne s'opposent pas à la levée de l'article  155, qu'ils souhaitent plutôt réactiver dès que nécessaire. " C'est plus difficile la première fois que la seconde ", a souligné le porte-parole du parti, en sommant le gouvernement de faire des propositions politiques pour la Catalogne.
M.  Torra n'a pas hésité à ajouter un peu d'huile sur le feu. " Notre président est Carles Puigdemont ", a-t-il répété à plusieurs reprises lors du débat d'investiture. Mardi 15  mai, il devait se rendre à Berlin pour donner sa première conférence de presse, conjointe avec l'ancien président catalan, recherché par l'Espagne pour " rébellion ".
Le scénario " Campora "En choisissant de désigner M. Torra pour lui succéder, Carles Puigdemont semble appliquer un plan qu'il mûrit de longue date : le scénario " Campora ". En  1973, Héctor José Campora avait été élu à la tête de l'Argentine après avoir été désigné candidat par Juan Domingo Peron, lui-même exclu du scrutin. Le slogan de la campagne avait alors été " Campora au gouvernement, Peron au pouvoir. "
M.  Torra, qui n'a pas non plus -démenti les informations selon lesquelles M. Puigdemont lui aurait interdit d'utiliser le bureau officiel du président de la Généralité, ne serait qu'une " marionnette ", un " concierge " ou un " porte-voix " de M. Puigdemont – comme l'a déjà dénoncé l'opposition – lequel conserverait la " présidence légitime " et le pouvoir réel, tout en restant à Berlin. Au moins tant qu'il ne sera pas remis à la justice espagnole. Et s'il l'est ? " Le conflit s'aggravera ", avance un proche de l'ancien président.
Sandrine Morel
© Le Monde


16 mai 2018

Quim Torra, un ultranationaliste fidèle à Carles Puigdemont

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" Sectaire ", " radical ", " xénophobe "… Rarement les qualificatifs utilisés par les non-indépendantistes, de droite comme de gauche, pour définir un dirigeant poli-tique, ont été aussi durs. Quim Torra est un nationaliste pur et dur. De ceux qui ne se sont jamais sentis espagnols et rejettent la double identité pourtant assumée par près de 70  % des Catalans. De ceux qui n'ont jamais hésité à le clamer haut et fort.
Dans des dizaines d'articles d'opinion ironiques et de Tweet, il a fait montre durant des années d'une conception ethnique du catalanisme. Il y insulte les " Espagnols " qui " ne savent que spolier ", parle de leur " ADN accidenté ", affirme que " la race socialiste catalane " est entrée " en -décadence, en se mélangeant avec la race socialiste espagnole ", estime qu'il " n'est pas normal de parler espagnol en Cata-logne ", ou qualifie la région de " dernière colonie d'Europe ".
Nouveau venu en politiqueAvocat de formation, né à Blanes, dans la province de Gérone, cet " indépendantiste émotionnel ", comme il se définit, âgé de 55 ans, travailla pendant vingt ans dans une compagnie d'assurance avant de créer en  2008 une maison d'édition, A Contra Vent, et de se consacrer à l'activisme -indépendantiste au sein d'associations ou d'organismes publics.
Essayiste, auteur d'ouvrages sur les journalistes et intellectuels de la Catalogne des années 1920 et 1930, il s'est engagé brièvement en  2009 au sein du parti Reagrupament, une scission radicale de la Gauche républicaine qui finit par s'allier avec la droite nationaliste. Vice-président de l'association Omnium cultural entre 2010 et 2015, dirigeant de l'Assemblée nationale catalane, il a été directeur du Born centre culturel de Barcelone, lorsque ce musée y présentait une exposition sur le siège de Barcelone de 1714, – " le Ground Zero des Catalans " selon lui.
Nommé directeur de la Revista de -Catalunya et du Centre d'études contemporaines de la Généralité en  2016, ce nouveau venu en politique était onzième sur les listes d'Ensemble pour la Catalogne. Mais il a été repêché par Carles Puigdemont pour lui succéder " provisoirement ". Pourquoi ? " Il est fidèle, assure un proche de M. Puigdemont. A la République et au président légitime. "
S. M.
© Le Monde

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